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ruse pour la mieux décevoir : elle était maîtresse au-dedans, mais il menait au-dehors des intrigues sur lesquelles elle eût été mal reçue de donner son avis. Un jour lui ayant reproché cette faiblesse, il me répondit froidement : — « Si elle m’embarrasse, je saurai bien m’en défaire. » En somme, leur ménage était assez paisible. Il ne traitait pas aussi respectueusement son vieux père, et il se permettait même quelquefois de lui donner la correction, quand le bonhomme, qui aimait à moraliser, frondait trop vertement sa conduite.



CHAPITRE IV.


Madame A… — Dialogue d’Argot. — Une expédition à l’Isle d’Orléans. — Deux fausses attaques. — Vol avec effraction chez Monsr. Atkinson.


« Pour mon malheur, je connaissais une Madame A…, dont le mari, qui est mort depuis quelques années, était mon ami intime : elle tenait une petite auberge mal-propre au faubourg St. Louis, dans le notable quartier connu sous le nom de Fort-Pique. C’était là que je me rendais quelquefois pour boire bouteille, et que je fis des liaisons qui devaient m’être si funestes. Un soir que j’y étais resté fort tard, et que j’y fumais tranquillement, accoudé sur le comptoir, j’entendis dans une petite chambre attenante le dialogue suivant : »

— « Diable ! on l’a échappé belle ! Ces maudits bouchers ne dorment jamais ! Quand j’ai vu la lumière, j’ai sauté dix pieds ; je me suis massacré une jambe. Eh ! vois donc ce morceau ! c’était bien la peine de se risquer le sifflet, pour une méchante poitrine de bœuf !

— « Il n’y a plus de sûreté dans le métier : le monde est devenu méfiant. Il faudra se jeter sur la campagne, ou bien se servir du porte-respect, (du bâton.)

— « Ah ! la campagne ! vive toujours la campagne, c’est là qu’on trouve des bonnes pâtes d’hommes, et de belles et grasses volailles qu’il ne tient qu’à faire rôtir. Quand j’y demeurais, j’avais toujours pour le marché des chapons et des agneaux ; c’était une bénédiction ; et pour tout cela je n’ai jamais été que deux ou trois fois dans le Brick (la prison.)

— « Ma foi ! camarade, nous voici bien logés, mais on ne vit pas sans provisions, demain il nous faut travailler en conscience ; tu prendras