Page:Angers - Les révélations du crime ou Cambray et ses complices, 1837.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10

« Diable, ce serait du moins charitable ; ça l’empêcherait d’écumer, comme tu sais. Enfin, point de scrupules, donne-moi ta main, ce soir j’irai moi-même avec toi ; prend chez Norris la clef du cadenas qui retient la chaloupe au quai, et tu la verras s’esquiver. »

« En effet le lendemain au matin la chaloupe de Norris était en hivernement à St. Roch dans la cour de Black Jack ; mais ce n’était pas Norris qui l’y avait mise. »

« Après cette farce comme nous l’appelions, j’envisageai avec défiance la perspective d’une société avec un homme qui me fesait voler, volait avec moi et finissait par me voler ; je lui dis même que je ne croyais pas pouvoir accepter ses offres de m’associer avec lui, et je réclamai ma part dans la chaloupe. Il me donna cinq piastres par une traite, (notre prise en valait au moins quarante,) et je partis pour Broughton assez peu satisfait.

« À cette époque Cambray paraissait faire de bonnes affaires, avait beaucoup d’argent, vivait bien, mais régulièrement, si ce n’est qu’il était excessivement matinal le lendemain d’un gros vent, et avait un furieux penchant pour les batailles de coqs. Il n’était pas marié et demeurait chez un de ses amis. Je ne crois pas qu’il eût alors des rapports intimes avec les habitués des Prisons, ni qu’il s’occupât à autre chose qu’à trouver ; il ne fesait pas encore le commerce en grand ; mais aussi, il faut le dire, il était un terrible écumeur, il trouvait beaucoup et souvent. Il appelait cela ses chances.

« Je n’aimais pas beaucoup la figure des gens qu’il employait sur ses cajeux : c’étaient des vagabonds qu’il ramassait sur les Plaines, tous possédés d’un terrible penchant à trouver gants, mouchoirs, habits, enfin tout ce qu’ils pouvaient éclipser dans leurs chapeaux, — ou sous leurs Pee-jackets.



CHAPITRE III.


Cambray et Waterworth devenus associés. — Portrait et Caractère de Cambray. — Comment on peut toujours gagner aux rafles. — Commerce sur les bois. — Les écumeurs. — Le partage du lion. — Cambray se marie. — Sa femme. — Son père.


« Je passai l’hiver chez mon père à Broughton, et je revins de bonne heure à Québec dans le Printemps, (1834). Je revis Cambray, qui me sollicita beaucoup de devenir son associé, ce à quoi je me déterminai enfin avec quelque répugnance. Il m’annonça qu’il avait loué une