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illustrer les pages terribles de Swift, aurait intimidé, effrayé l'œuvre agréable et mince du poète écossais. La représentation de la vie dans Ramsay s'exerce avec une sorte de jovialité bienveillante. « Allan's glee, la gaité d'Allan » a dit Burns, en le caractérisant d'un mot ^ Mais cette gaîté n'atteint jamais à la forte hilarité de Burns lui-même. C'est la bonhomie d'un homme modéré et heureux.

Les deux œuvres principales de Allan Ramsay et celles qui nous intéressent le plus dans cçtte étude sont sa continuation de à Christ's Kirk sur le pré, et son Noble Berger.

Par le premier de ces poèmes, Ramsay se rattache franchement au véri- table créateur du genre de poésie populaire que nous suivons, à l'auteur de à la Fête de Peebles et de à Christ' s Kirk sur le pré, Jacques L II eût été difficile de mieux reconnaître cette descendance. Il a repris le poème de à Christ' s Kirk, à l'endroit où il s'interrompt, et il l'a continué. C'était, on l'a vu, une bagarre de village, un tohu-bohu de coups et bosses, une ripopée d'hommes, d'enfants et de femmes, meurtris, ensanglantés et beuglants. Ramsay trouva cruel de les laisser plus longtemps dans cet état-là. Il ajouta au vieux poème deux chants nouveaux, qui tirent tout le monde de ce mauvais pas et continuent la fête. Vers la fin de la que- relle, une commère résolue se jette parmi les combattants avec un grand couteau à choux et les menace de les éventrer s'ils ne cessent pas. On s'arrête, on s'écoute, on s'entend, les uns rarrangent leur tignasse, les autres se bandent le front ou l'œil, la paix est faite. On appelle lesmusi- siens et les danses recommencent ; on saute, on boit à plein gosier, on mange à pleines tripes, on s'esclaffe. Vers le soir, on mène la mariée à sa chambre et on jette, selon l'usage, le bas de sa jambe gauche parmi les assistants. Celui où celle qui le reçoit se mariera bientôt. Après quoi tout le monde continue à boire.

Le savetier, le meunier, le forgeron et Dick,

Lawrie et le brave Hutchon,

Gaillards qiii n'observaient pas strictement

Les heures, bien qu'ils fussent vieux,

Et n'avaient jamais pu se guérir de ce défaut ;

Là où on vendait de la bonne aie,

Ils en buvaient toute la nuit, dût le démon

Conseiller à leurs femmes de les chamailler

Pour les punir le lendemain 2.

Et c'est ainsi que finit fe premier des deux chants ajoutés par Ramsay. Le troisième s'ouvre par un tableau du réveil du village, qui n est pas dépourvu de précision. Les voisins, selon la coutume, pénètrent dans la

1 Yirsl Epistle (0 Lapraik.

2 Christs Kirk on the Green, Canlo 11.

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