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Vers la fin de la même année, il |)iiblia un second recueil, plus spé- cialement national VEvergreen, collection de Poèmes Ecossais écrits par les Ingénieux avant 1600. Ce sont les deux premiers ouvraii:es mar- cjuants dans un genre de recherche qui devait se continuer pendant un siècle, et compter parmi ses ouvriers Biirns et Walter Scott. Il ne laisse pas d'être à l'honneur de Ramsay que sa publication précéda de près d'un demi-siècle la fameuse collection de l'évêque Percy. Ce n'est pas que Ramsay ait été le premier, puisque le recueil de Watson avait été publié en 1706, et que l'un de ses plus heureux effets avait été précisément d'éveiller le talent littéraire de Ramsay lui-même. C'est là, en effet, que se trouvait V Elégie du Brave Heck. II n'a eu, en rien, le mérite de l'initiative, mais celui d'une volonté et d'une suite plus grandes dans les entreprises. Il est encore vrai qu'il n'a pas accompli sa lâche dans l'esprit de sincé- rité, d'exactitude et de respect qu'y apporterait un éditeur de nos jours. Il faut l'avouer : il s'est permis des changements, des intercalations, des enjolivements ; il a orné, pomponné, attifé, rajeuni ces vieilles chansons, rudes et frustes. Il n'a pas su oublier assez qu'il était perruquier. Il a fait leur toilette, il les a accommodées au goût du jour, mettant çà et là un rien de fard et une vapeur de poudre. Il est probable toutefois qu'il l'a fait avec plus de mesure cfu'aucun de ses contemporains, et il est juste de lui en savoir gré. C'était un homme de bon sens et qui tenait à réussir. Il n'a commis que le nécessaire ; peut-être n'eùt-il pas attiré les regards autrement. En dépit de tout cela, il n'en demeure pas moins certain qu'il a, de ce côté encore, marque une époque et un point de départ dans l'histoire littéraire de l'Ecosse. Les titres ne lui manquent pas à avoir sa statue dans cette rangée d'hommes célèbres qui est la parure d'Edimbourg. De l'endroit où elle est située, dans le bruit de la foule, en face de la maison qu'il s'était coustruite, on aperçoit la colline solitaire plus hautaine et d'un plus grand caractère où se dresse le monument de Burns. Le rapprochement et la distance sont ainsi marqués.

Les traits caractéristiques du génie de Ramsay sont le naturel, la grâce, et l'aisance. Il a donné de jolis tableaux, d'une observation facile et un peu superficielle, d'un coloris léger et clair. L'ensemble de son œuvre a quel- que chose d'aimable, de riant. Ni la passion douloureuse, ni le drame intime n'y apparaissent; on n'y voit jamais les lueurs sombres ni les éclairs tragiques de Burns, ni la teinte mélancolique de Fergusson. Tout y res- pire l'optimisme d'un homme qui est satisfait de la vie, parce qu'elle lui a donné ce qu'il souhaitait, et aussi parce qu'il n'a point souhaité plus qu'elle ne peut donner. On y rencontre partout le contentement. Aussi Ramsay jette-t-il sur les hommes un regard qui n'eut jamais ni profondeur ni amertume, et quand Hogarth lui dédia ses illustrations del'Hudibras, il les offrait à un talent bien différent du sien. Son burin âpre, misauthropique, pénétrant, et qui semblait féroce, fait en un mot pour