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quable qu'ait eu l'Écôsse. Sa vie fut romanesque, glorieuse et infortunée. Son père Robert III, pour le soustraire aux attentats du duc d'Albany que cet enfant séparait seul du trône, l'avait envoyé en France, à l'âge de quatorze ans. La nef qui l'emportait avait été interceptée par les Anglais, au mépris d'une trêve qui existait entre les deux nations. Pendant dix- neuf ans le jeune prince fut retenu prisonnier ^ Il fut élevé à la cour d'Angleterre, où il apprit à admirer Gower, et Chaucer, son maître en poésie noble et amoureuse. Le donjon de Windsor a conservé son sou- venir. C'est là qu'un matin de mai, quand l'herbe était verte, que les haies d'aubépine étaient blanches et toutes sonores d'oiseaux, il aperçut Lady Jane de Beaufort, fille du comte de Somerset et princesse du sang royal d'Angleterre ^. Il a raconté en termes brillants et tendres comment, quand il était à songer à son triste sort, il vit passer, dans la fleur de l'année, parmi les fleurs, cette fleur des femmes.

Et alors j'abaissai de nouveau mon regard,

Et je vis se promener au pied de la tour,

Toute solitaire, nouvellement arrivée pour se distraire,

La plus belle ou la plus fraîche jeune fleur

Que j'eusse jamais vue, me sembla-t-il, avant cette heure.

De cette surprise soudaine, tout d'un coup reflua

Le sang de tout mon corps vers mon cœur.

Je décrirai la forme de ses vêtements, Jusqu'à sa chevelure d'or et sa riche parure ; Ils étaient semés de dessins de perles blanches

Et de topazes brillant comme le feu, Avec mainte émeraude et maint beau saphir. Sur sa tète elle portait une coiffure de couleurs fraîches, De plumes en partie rouges, et blanches et bleues...

Autour de son col blanc comme un émail,

Elle avait une belle chaîne de fine orfèvrerie,

A laquelle pendait un rubis sans tache,

Dont la forme était celle d'un cœur. Qui comme une étincelle de flamme follement Semblait vouloir brûler sur sa gorge blanche. Si on pouvait trouver le pareil, Dieu le sait.

Et pour marcher dans ce frais matin de mai,

Elle avait sur sa robe blanche une agrafe

Dont on n'avait jamais vu la plus belle,

Je le suppose ; et sa robe pressait lâchement son corps,

Et la marche l'avait enlr'ouverte ; c'était uu tel délice

De voir cette jeunesse dans sa beauté

Que j'ai peur d'en parler trop lourdement 3.

  • Hill Burton. History of Scotland, tom II, p. 384.

2 Voir à ce sujet le joli essai, dans le Sketch Book, de Washington Irving, intitulé Royal Poet. ^ The King's Quair. Canto ii.