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physionomie de l'air, qui empêtre le poète et le soumet à des difficultés presque insurmontables » *.

Cependant il ne voulait à aucun prix rien changer à ces vieux airs et il exigeait que tout vînt de lui-même.

^' Dans la première partie de ces deux airs, le rhythme est si particulier et si irrégulier, et de cette irrégularité dépend tellement leur beauté, qu'il faut les prendre avec toute leur sauvagerie et y accommoder les vers » 2.

Aussi lui échappe-t-il à tout instant des mouvements de dépit dans cette lutte oii il se croyait souvent vaincu, mais qu'il recommençait ensuite jusqu'à ce qu'il l'emportât.

(( J'ai également essayé ma main sur Robin Adair et, vous le penserez probable- ment, avec peu de succès ; mais c'est une maudite mesure, si entortillée, si extra- ordinaire, que je désespère de rien faire de mieux -i 3.

Une lettre suivante nous montre que, pendant une promenade matinale, il a repris cet air et fait une autre chanson, une de ses plus touchantes ^. Presque toujours il a réussi ce tour de force. Souvent, c'était après plusieurs essais. Parfois le hasard des inspirations heureuses le lui rendait facile.

Qu'il fût obtenu d'une façon ou d'une autre, l'accord des paroles et de la musique était parfait. C'est que Burns était un véritable chansonnier, et non un poète qui écrit des poèmes plus courts sur lesquels un musicien viendra poser un air. En lui, la poésie jaillissait toute modulée, les mots se formaient tout d'abord sur un dessin de notes. La musique précédait les paroles, les préparait, les inspirait ; ou plutôt il semblait qu'elles naissaient ensemble, se mariant au fond de sa pensée, et arrivant réunies en une expression à la fois musicale et parlée ; les paroles donnant à la mélodie sa signification, la mélodie donnant aux paroles leur émotion. On peut dire que chacune de ses chansons est née dans un air. Lui- même en a retracé la délicate genèse, dans un passage qui montre bien ce travail intérieur.

« 11 faut, dit-il en parlant d'un air, que je le garde encore quelque temps. Je ne le sais pas encore, et, jusqu'à ce que je possède complètement un air, de façon à pouvoir le chanter moi-même (tellement quellement), je ne puis jamais composer rien dessus. Ma manière est celle-ci : je considère le sentiment poétique correspondant selon mol à l'expression musicale; alors je choisis mon thème, je commence une strophe.

1 To G. Thomson, Nov. Sth, 1-792.

2 To G. Thomson, 19tli Nov. 1194.

3 To G. Thomson, August 1793 (lettre 19).

^ To G. Thomson, August 1192 (lettre 20). Voir un autre exemple de ces essais, sur Laisse-moi entrer cette nuit, dans les lettres à Thomson, d'Août 1793 et Sept. 1194.