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contraindre pour que l'accent du pays ne reparût pas, et cette contrainte le paralysait.

« Les chansons anglaises m'embarrassent à mort. Je n'ai pas la maîtrise de ce langage que j'ai de ma langue natale. En vérité, je pense que mes idées sont plus pauvres en anglais qu'en écossais. J'ai essayé d'habiller Duncan Gray en anglais, mais tout ce que je peux faire est déplorablement stupide.^ »

En dehors de cette convenance personnelle, il y avait à ce choix une cause qui pénétrait plus avant dans les choses elles-mêmes. Burns avait bien compris que la musique écossaise, pastorale et sortie d'un peuple de bergers, s'accommodait mieux d'un langage rustique et voisin d'elle. Il avait conscience d'une sorte d'affinité entre ce dialecte dorique, comme il l'appelait, et ces mélodies de montagnes.

i' Laissez-moi vous faire remarquer que, dans le sentiment et le style de nos airs écossais, il y a une simplicité pastorale, quelque chose qu'on pourrait dénommer le style et le dialecte dorique de la musique vocale, à quoi une petite dose de notre langage et de nos manières natales est particulièrement, bien plus, uniquement adaptée.^ »

C'est une idée à laquelle il revenait constamment, et toujours avec une grande précision de termes :

(I II y a, dans un léger mélange de mots et de phraséologie écossais, une naïveté, une simplicité pastorale, qui est plus en rapport, du moins à mon goût et j'ajouterai au goût de tout vrai Calédonien, — avec le pathétique simple ou la légèreté rustique de notre musique nationale, que n'importe quels vers anglais. 3 « 

Il y avait là un sens artistique très fin des rapports entre les paroles et la musique. L'œuvre de Burns y a certainement gagné. Il convient d'ajouter que la justesse de cette vue a eu une importance capitale pour l'histoire littéraire de l'Ecosse. Si Burns n'avait pas été si ferme sur ce point et avait écrit pour des airs écossais des paroles anglaises, comme celles que son collaborateur Peter Pindar a pu fournir, quelle que fût du reste leur différence, l'œuvre de Thomson devenait quelque chose de mixte et d'incolore. Tout un fonds de chansons écossaises que Burns a reprises, rajeunies, ravivées, disons le mot, sauvées, était perdu. Toutes ces parcelles d'or étaient charriées dans l'oubli. L'Ecosse y perdait un des titres de sa gloire littéraire.

Une fois sa résolution prise, il se mit à l'œuvre avec une vraie passion, recueillant de tous côtés de vieilles chansons, et surtout de vieux airs. Il

1 To G. Thomson, 19tli Oct. 1794.

2 To G. Thomson, 26th Oct. 1792. 8 To G. Thomson, Jan, 26tii, 1793.