Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/51

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 27 —

de nous, l'inlliience et les bienfaits de la chanson en Ecosse? C'est un passage emprunté à un livre navrant, les souvenirs de William Tliom d'inverarie, un pauvre tisserand, qui fut lui-même un poète, et qui mourut de misère, en 1850, après une vie affreuse de labeur et de famine, dont le récit mouille les yeux. Il parle de chansons populaires, de celles de Burns, du berger d'Ettrick, c'est-à-dire de James Hogg, alors dans tout l'éclat de sa production, et de Tannahill, qui avait été tisserand. Il les montre voltigeant au-dessus des métiers. Il y a dans ces lignes un tableau de misère et un hommage de gratitude qui sont d'une grande éloquence. C'est une page qu'on peut lire avec soin, car elle en apprend beaucoup sur la vie morale des plus pauvres classes en Ecosse. « Comme elles réson- naient, s'écrie-t-il, au-dessus du fracas d'un millier de métiers ! Laissez- moi proclamer ce que nous devons à ces esprits de la chanson, quand ils semblaient aller de métier en métier, soutenant les découragés. Quand la poitrine est remplie de tout autre chose que d'espérance et de bonheur, que le refrain salubre et vigoureux éclate: Un homme eh. un homme malgré tout, et le tisserand surmené reprend cœur... Qui osera mesurer l'inlluence de ces chansons? Pour nous, elles servaient de sermons. Si l'un de nous avait été assez hardi pour entrer dans une église, il en eût été expulsé par décence. Ses vêtements misérables et curieusement rapiécés auraient disputé l'attention des auditeurs à l'éloquence ordinaire de l'époque. Les cloches de l'église ne sonnaient pas pour nous. Les poètes en vérité étaient nos prêtres ; sans eux , les derniers débris de notre existence morale auraient disparu. La chanson était la goutte de rosée qui s'assemblait pendant les longues nuits découragées, et qui était fidèle à briller aux premiers rayons du soleil. Vous auriez pu voir le Vieux Robin Gray faire venir des larmes à des yeux ({ui pouvaient rester ecs dans le froid et la faim, dans la fatigue et la souffrance ». ^

Non-seulement tout le monde chante des chansons, mais tout le monde en compose. La chanson est devenue une façon commune d'exprimer ses sentiments. Chacun s'en sert. Depuis les rois comme Jacques V^, et les gentilshommes de haut vol comme Montrose 3, jusqu'aux paysans et aux sa\etiers, et, pour employer une image de Burns, depuis ceux qui sont la plume au bonnet de la société jusqu'à ceux qui sont les clous à ses souliers *, tous écrivent leur chanson. De la part des médecins, des révé- rends, des avocats, des maîtres d'école, cela est après tout, peu surprenant. Ces professions sont cultivées. Mais il est incroyable juscpi'à quels intimes métiers il faut descendre pour épuiser, que dis-je, pour dresser la

1 Rhymes and Recollée lions of a Hand-loom Weaver, by XVilliam Thom, page 8.

- The Gaberlunzie Man ; thc JoUy Beggar.

3 My dear and only Love.

'* Ta Charles Sharpe 22 nd April 1191.