Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 23 -

« Déposez, déposez ce corps aimable, Déposez-le, laissez-moi voir Si c'est la fille de Lochryan Qui est morte par amour pour moi. »

Et il prit son petit couteau

Qui pendait à sa basque.

Et il a fendu le linceul ,

Une longueur d'auue ou davantage.

Et d'abord il baisa sa rouge joue,

Et puis il baisa son menton,

Et puis il baisa ses lèvres rosées

Où il n'y avait plus d'haleine.

Et il a pris son petit couteau.

Avec un cœur qui étaii tout navré.

Et il s'est donné une blessure mortelle,

Et il ne parla jamais plus un mot.

Quelles que soient les naïvetés d'un pareil morceau, quels que soient les accrocs et les raccords grossiers qu'on trouve dans cette vieille étoffe et qui sont le fait des transmissions successives, il y a là une poésie simple, pleine de couleur et d'émotion.

Que reste-t-il de ce rêve dans Burns? Presque rien. Tout ce que cette navigation du début a d'étrange et de pittoresque, ces visions de mer et de vieux châteaux, qui rappellent les ruines qu'on voit sur tant de promontoires écossais, cette poursuite douloureuse de la lin, tout a disparu. Il a supprimé la partie Imaginative, le récit, en réalité ce qui constitue la ballade. Il n'a conservé que la partie de sentiment, qui est de tous les temps, le cri de la femme chassée de la maison paternelle, qui vient frapper à la porte du séducteur. En un mot, il a transformé la ballade en une simple chanson.

(( Oh ! sombre, sombre est cette heure de minuit,

Et bruyant le mugissement de la tempête,

Une femme errante, désolée, cherche ta tour||

Ouvre ta porte, Lord Gregory.

Une exilée du château paternel, Et cela pour t'avoir aimé ; Montre-moi du moins quelque pitié , Si ce ne peut être de l'amour.

Lord Gregory, ne te rappelles-tu pas le bosquet

Sur les bords charmants de ilrwin ,

Où , pour la première fois, j'avouai cet amour virginal

Que longtemps, longtemps, j'avais nié.

Que de fois m'as-fu promis et juré

Que tu serais pour jamais à moi ;

Et mon pauvre cœur, lui-même si sincère,

N'a jamais soupçonné le tien.