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La pauvre fille répond d'une façon louchante, en des strophes où le souvenir des jours passés se mêle à l'angoisse présente.
« Ne te souviens-tu pas, aimé Gregory,
Comme nous étions assis, au moment du vin ,
Que nous échangeâmes nos anneaux de nos mains,
Et que le meilleur était le mien ?
Car le mien était de bon or rouge , Mais le tien était d'étain ; El le mien était vrai et fidèle, Et le tien était faux dedans.
El ne te souviens-tii pas, aimé Gregory,
Comme nous étions assis sur la colline,
Que tu m'as enlevé ma virginité.
Très durement, contre mon vouloir.
Maintenant, ouvre, ouvre, aimé Gregory, Ouvre et laisse-moi entrer, Car la pluie pleut sur mes bons vêtements, Et la rosée coule sur mon menton. »
La méchante femme lui redemande d'autres preuves, comme si celles- là ne suffisaient pas. Et la pauvre demoiselle, découragée, l'âme navrée, renonce à la convaincre.
Alors elle s'est retournée : « Puisqu'il en est ainsi, Puisse aucune femme qui a porté un fils N'avoir jamais un cœur si plein d'angoisse.
Abaissez, abaissez ce mât d'or,
Dressez un mât de bois.
Car il ne convient pas à une dame délaissée
De naviguer si royalement. >>
Elle s'éloigne. Le fils s'éveille, et raconte à sa mère qu'il a rêvé que la fiJle de Lochryan était à la porte. La mère lui dit qu'en effet elle était là il va une heure, et qu'il peut continuer à dormir. Le fils repousse la méchante femme qui ne l'a pas laissée entrer. Et la fin de la pièce a toute la fantaisie romantique et touchante qui est le charme de ces hallades.
« Faites-moi seller le noir, dit-il.
Faites-moi seller le bai brun,
Faites-moi seller le cheval le plus vite,
Qui est dans toute la ville. »
Or, dans la première ville où il arriva,
Les cloches sonnaient.
Et la seconde ville où il arriva
La morte v arrivait.