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qu'on puisse leur comparer, pour la qualité musicale, sont celles de Shelley. Celles-ci n'ont pour ainsi dire plus de corps, sont choses purement éthérées. La chanson de Burns est l'alouette, quand on la voit encore voleter au-dessus des blés.

L'alouette éveillée, gazouillante , s'élance

Et monte dans le ciel matinal,

Secouant joyeuse ses ailes emperlées,

Dans le regard rose du matin. ^

Celle de Shelley est l'alouette devenue invisible, alors qu'il n'existe plus d'elle que des notes tombant du ciel.

Le soir d'une pourpre pâle

Se fond autour de ta fuite ;

Comme une étoile du ciel

Dans la pleine lumière du jour,

Tu es invisible, mais j'entends ta voix perçante.^

Ce qu'elle chante est sûrement ce que le langage humain a produit de plus immatériel, de plus purement musical ; ce sont des vibrations de cristal, sœurs des nuances irisées de l'arc-en-ciel. Mais la chanson de Shelley tient en quelques notes ; celle de Burns a autrement de variété, et, dans cette variété, de passion ; elle voltige au-dessus de tous les sentiments humains. Quant aux chansons des autres poètes modernes, elles sont très loin de celles-là ; celles de Moore n'ont qu'un gazouille- ment charmant, un ramage élégant, parfois un soupir mélancolique ; les quelques-unes de Çoleridge ont plus d'éclat de mots que de musique ; celles de Tennyson manquent de vol, elles n'ont qu'une mo|lulation monotone et lente, c'est un mauvis qui chante perché, et redit une note de fliite douce et moelleuse. Il n'y a, dans la littérature anglaise, pour tenir tête aux chansons de Burns, que le recueil de celles qu'on a extraites des grands dramaturges du xvi® siècle : les merveilles de Shakspeare et, presque au même degré, celles de Beaumont et Fletcher 3, Ces chansons de la Benaissance ont peut-être plus de caprice, de fantaisie inattendue ; elles ont le reflet d'une pensée plus haute, plus riche, plus souple et plus subtile aussi ; elles sont faites d'images plus raffinées et plus rares; elles ont quelque chose de plus désintéressé ; mais elles n'ont pas la solidité d'observation et la rougeur de passion de celles de Burns. A tout prendre il est difficile de choisir entre sa seule production et l'anthologie de ces riches génies. Cela seul est une gloire.

Sa forme est admirable ; elle est parfaite. Il est peut-être l'écrivain le

1 Now Spring lias dad thc Grave in Grccn.

2 Shelley. To a Skylark.

3 Songs from Ihe Dramatists, cdited by Robert Bell.