Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/395

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 371 -

Allez à vos tombes sculpt(^es, ô grands,

Dans tout le vain ilinqiiant de votre pompe!

Près de ton honnête gazon je resterai,

honnête liomrae !

Et je pleurerai le destin du meilleur garçon

Qui jamais fut couché en terre.

Il convieDt de dire que ce morceau n'est pas dans la véritable veine de Burns. Il est de la seconde période de sa vie, il sent l'exercice litté- raire. 11 est probable qu'il en avait emprunté le modèle à quelque imita- tion des élégies classiques. C'est la charpente des élégies de Bion et de Moschus, qui s'est propagée dans la littérature à travers mille copies. Si l'on y regarde de près, on verra que c'est au fond presque la même construction que celle de VAdonaïs de Shelley. Tel qu'il est, c'est un parfait spécimen de l'envahissement de la nature par les sentiments humains. C'est une tendance absolument opposée à l'école moderne de Poésie ; et si l'on a eut comprendre combien celle-ci a essayé de réagir contre elle, on n'a qu'à relire les vers de Coleridge.

Ecoutez ! le Rossignol commence sa chanson Oiseau « très musical, très mélancolique ! » Un oiseau mélancolique I Oh ! frivole pensée 1 Dans la nature il n'y a rien de mélancolique. Mais une nuit, un homme a erré, dont le cœur était percé, Du souvenir de quelque douloureuse injustice. Dune lente maladie ou d'un amour dédaigné. Et le malheureux ! il a rempli toutes choses de lui-même. Et fait dire par tous les bruits charmants l'histoire De sa propre peine. C'est lui, ou un semblable à lui. Qui a le |)remier appelé ces notes un chant mélancolique. Puis plus d'un poète a répété cettte imagination... . . . Nous avons appris Une science différente : nous n'avons pas le droit de profaner ainsi Les douces voix de la nature, toujours pleines d'amour et de joie 1 1

C'est une véritable protestation contre cette soumission de la Nature à nos passions, et une revendication de son indépendance vis-à-vis de nous. Ici encore, on voit combien Burns était, sur ce point, en dehors du courant de la poésie moderne.

Mais il y a une méthode toute moderne et toute différente de peindre la Nature avec des épithètes morales. Pour W^rdsworth, pour Shelley, ses vrais poètes, et pour les autres poètes dans leurs vrais moments, un caractère appartient bien aux choses. Elles le possèdent , même lorsqu'aucun esprit humain n'est là pour le leur communiquer. La Nature I ■

  • Coleridge. The Nightingale.