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peut-être possible de rétablir ces degrés dans leurs relations organiques, et de reconstituer ainsi un sentiment de la Nature dans tous ses éléments ; mais c'est un essai qu'on n'ose pas entreprendre sans quelque défiance, tant le sujet est vaste et compliqué ^. Il y a pourtant intérêt à le tenter ; nous ne comprendrions pas entièrement la position de Burns dans la poésie moderne, si nous ne démêlions oii il en est vis-à-vis d'une inspi- ration qui la constitue presque entièrement.
Ce qui frappe tout d'abord dans les poètes modernes c'est une recherche curieuse d'effets naturels, plus rares, plus délicats, plus locaux, que ceux qui ont été rendus jusqu'à présent. Les longs aspects universels et réguliers de la Nature semblent usés. Il en faut de nouveaux, de plus subtils ou de plus étranges ! L'œil s'ingénie à découvrir des nuances imperceptibles ou des contrastes violents ; il saisit les phénomènes sur les bords de la disparition ou dans leur explosion brutale. Des centaines de poètes ont noté des milliers d'effets inobservés. La poésie contemporaine est devenue un musée immense, inépuisable, où s'entassent des observa- tions d'une délicatesse ou d'une grandeur jusque-là inconnues. Il suffit d'y jeter un coup d'oeil pour en comprendre la richesse. Wordsworth observe la teinte bronzée que les feuilles des haies prennent sur la clarté du soir ^ ; il remarque que le crépuscule retire du gazon les multitudes de pâquerettes ^ et fait disparaître les fleurs dans la haie assombrie ^ ; il suit la mince ligne bleue qui entoure le bord tranquille du lac ^. Shelley
croissant diminuait peu à peu, et quand le soleil se fut montré tout à fait, sa pâle et débile lumière s' évanouissant^ se perdit dans celle du grand astre qui paraissait, dans laquelle elle fut comme absorbée : on voyait bien qu'elle ne pouvait avoir perdu sa lumière par l'approcbe du soleil qui l'éclairait, mais un petit astre cédait au grand, une petite lumière se confondait avec la grande; et la place du croissant ne parut plus dans le ciel, oii il tenait auparavant un si beau rang, parmi les étoiles [Traité sur la Concupiscence, chap. xxxii). Il n'y a pas dans Rousseau, ni dans Bernardin de Saint- Pierre, ni dans Chateaubriand, ni dans Victor Hugo, une description d'aurore compa- rable à celle-là. C'est aussi beau que les plus belles pages de ciel de AYordsworth. Il nese rencontre probablement pas, parmi les descriptifs de ce siècle-ci, un tableau d'une lumière pareille, sans parler de la majesté et de la grâce. On trouve un grand nombre d'exem- ples charmants du mélange de nature et de morale dans saint François de Sales. Si l'on veut voir ce que peut donner ce système, lorsqu'il lui manqua l'élément vivifiant et rajeu- nissant de l'observation naturelle, on n'a qu'à parcourir le livre de Mgr de la Bouillerie : Le Symbolisme de la Nature.
1 Nous avons été aidé dans l'ensemble de cette étude par deux livres de haute et noble pensée : Theology in the English Poets par le Rev. Stopford Brooke — et On the Poelic Interprétation of Nature par le Principal Shairp. — Chez nous les livres de M. de Laprade, avec toute leur éloquence, sont vagues et sans étreinte. — On lira avec fruit le grand ouvrage de Ruskin : Modem Painlers, qui porte presque uniquement sur la manière de rendre la nature, et qui est une œuvre d'ordre très haut.
2 Wordsworth.
3 Id, Evening Voluntaries VI.
4 Id. Excursion, Book i.
^ Id. Poems written in Youth : an ^vening Walk.