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D'elle, de lui faire toute révérence , Car elle est, de toutes les fleurs, la fleur Pleine de toute vertu et honneur. Et toujours également belle et de fraîches couleurs ; Et je l'aime et sans cesse, l'aimé-je de nouveau i.

Et il ajoutait avec une charmante naïveté d'enthousiasme :

Appuyé sur mon coude et mon côté ,

Tout le long jour suis-je résolu à rester étendu

Pour rien autre, — et point ne mentirai-je —

Sinon regarder la pâquerette ,

L'impératrice et la fleur de toutes les fleurs ;

Et si prie-je Dieu que tout bien lui advienne,

' Et, à cause d'elle, à tous ceux qui aiment les fleurs '.

DansBurns, il y a en plus le drame, la souffrance, l'émotion, et une telle puissance d'individualité que, tandis que les autres poètes ont parlé de la pâquerette en général, il a fait de celle-ci une personne qui vit dans notre esprit, comme une petite amie qu'on ne saurait oiiblier. Si le vœu de Wordsworth a été exaucé ; si on a planté un saule sur la tom])e de Musset; si Keats, qui disait en mourant qu'il sentait déjà les violettes pousser au-dessus de lui, dort sous les violettes ; Burns devrait avoir un tertre vert parsemé de pâquerettes, oîi descendraient les rosées et d'oii monteraient des alouettes.

Cette exquise sensibilité pour toutes les formes de la vie n'était pas un artifice littéraire. Il la portait avec lui partout ; elle faisait le charme de ses promenades solitaires et de ses rêveries. Dans une de ses plus belles lettres, il a admirablement rendu cette tendresse qui débordait de son âme et se déversait sur son chemin. C'est un passage qui, même après ses pièces sur la Souris et sur la Pâquerette , mérite d'être cité. Il respire peut-être mieux encore cette merveilleuse bonté.

«.< J'avais erré au hasard dans les lieux préférés de ma muse, sur les bords de l'Ayr, pour contempler la nature dans toute la gaîté de l'année à son printemps. Le soleil du soir flamboyait au-dessus des lointaines collines, à l'ouest; pas une haleine ne remuait les fleurs cramoisies qui s'ouvraient, ou les feuilles vertes qui se déployaient. C'était un moment d'or pour un cœur poétique. J'écoutais les gazouilleurs emplumés qui répandaient leur harmonie de tous côtés, avec des égards de confrère, et je sortais fréquemment de mon sentier de peur de troubler leurs petites chansons ou de les faire s'envoler ailleurs en les effrayant. Sûrement, me disais-je, sûrement celui-là est un vrai misérable qui, insoucieux de vos efforts harmonieux pour lui plaire, peut suivre du regard vos détours, afin de découvrir vos retraites secrètes et vous dérober le seul trésor que la nature vous donne, votre plus cher bonheur, vos faibles petits. Même le blanc rameau d'aubépines qui s'avançait eu travers du chemin, quel est le cœur qui, en un semblable moment, pourrait ne pas s'intéresser

1 Chaucer. Prologue io the Legend of Good Women.