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daat de faire remarquer combien la sympatiiie de Burns est la plus véhémente et la plus chaude des deux, et de quel plus fougueux élan Je tendresse elle est poussée ? Les recommandations de Cowper ont (juelque chose d'impersonnel et de toujours calme. Ce sont des réflexions géné- rales, exprimées dans un style qui est un peu de sermon. Chez Burns, c'est presque toujours un fait individuel de sympathie s'adressant à l'être qu'il voit souffrir sous ses yeux plutôt qu'à des êtres perdus et confondus dans l'éloignement des généralités, sans s'étendre et se refroidir en une rétlexion.Le sentiment jaillit, ardent, particulier, immédiat. L'émotion y bat toute vive. On sent que chacune de ses aventures de compassion a été pour son cœur un événement qui l'a remué. Aussi la forme est-elle toujours vivante et dramatique. Ce n'est plus une exhortation comme dans Cowper. C'est une scène à laquelle on assiste. Sa pièce aune Souris est un chef-d'œuvre, né d'une émotion de ce genre.

Un jour de Novembre, quand les vents sont déjà durs sur le plateau de Mossgiel et annoncent l'hiver, il labourait un champ qu'on montre aujourd'hui. Le labour se faisait alors avec des attelages de quatre chevaux, le sol étant plus revêche et les charrues plus lourdes ; ils étaient généralement conduits par un jeune garçon qui marchait auprès d'eux, comme en certain pays l'aiguillonneur à côté de ses bœufs. Le laboureur n'avait àrs'occuper que de sa charrue. Burns menait son sillon quand le contre coupa un nid de souris. La petite bête effrayée se sauva. Le garçon, qui se nommait John Blane, voulait courir après elle et la tuer avec le bâton qui sert à faire tomber la terre du soc K Mais Burns l'arrêta en lui demandant quel mal elle lui avait fait. Une grande compassion lui vint pour cette pauvre bestiole privée de son refuge à la veille de l'hiver. Une humble scène d'un instant : les chevaux arrêtés sous un ciel noirâtre, et ce jeune paysan appuyé sur le manche de sa charrue, regardant triste- ment cette poignée de fétus de paille et de brindilles. Mais qui sait ce que de tels moments contiennent, où le cœur est inondé de bonté ? Ils portent leur indestructible récompense. Le plus souvent c'est un de ces souvenirs qui sont la parure de l'àme, et, en s'accumulant, finissent par la rendre belle. Celui-ci contenait plus encore. Burns reprit son sillon et travailla pensif pendant le reste de l'après-midi. Le soir, il réveilla John Blane, qui couchait dans le même grenier que lui, pour lui lire quelques vers. C'était un chef-d'œuvre, la récompense de ce moment d'infinie compassion.

Pauvre petite bête lisse, craintive, tremblaute,

, quelle panique il y a dans ta petite poitrine,

Tu n'as pas besoin de te sauver si vite,

Et de courir en trottinant.

Je ne voudrais pour rien le poursuivre et te chasser,

Avec le bâton meurtrier.

1 U. Chambers. Life of Burns, tom I, p. HT.