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Ou bien cette jolie énumération de choses IVa^nles et fugitives dans Tam Shanier, pour laquelle un poète disait qu'il aurait donné tout ce qu'il avait écrit :

Les plaisirs sont conune des pavois épaaouis,

Vous prenez la tleur, ses pétales tombent;

Ou comme la neige qui tombe dans la rivière,

Un instant blanche, puis fondue pour jamais;

Ou comme les éphémères boréales

Qui fuient sans que vous puissiez en marquer la trace;

Ou comme la forme adorable de l'arc-en-ciei

Qui s'évanouit dans l'orage i.

Ces rayons de soleil dans une averse, ce reflet de lune dans un ruisseau, tous ces phénomènes de lumière, de nuances à peine perçues, sont des effets rares dans Burns. Ils manquaient pour lui de réalité. Sa main robuste et un peu rude voulait saisir quelque chose de plus matériel.

C'est là, chez lui, le point extrême en fait de transformation de la Nature. C'est dans ces passages qu'elle est le plus légère, le plus pénétrée de sentiment. On voit combien elle est encore sobre et solide, combien elle reste pratique en quelque sorte. Les faits demeurent toujours précis, nets, perdent à peine un peu de leurs contours. En sorte que cette étude plus profonde des sensations de la Nature nous fait seulement mieux sentir encore combien son regard sur elle était bref, et clair ; combien peu il s'occupait d'elle quand il n'était pas en commerce direct avec elle; combien elle séjournait en lui sans le déformer, c'est-à- dire combien elle et lui restèrent distincts.

Un des caractères les plus frappants de la nature, telle qu'on la voit dans Burns, est qu'elle n'est presque jamais inanimée. Ce n'est pas une scène silencieuse et dépeuplée, où l'homme seul parait, un décor de théâtre peint pour lui seul. Elle fourmille d'existences particulières ; elle est pleine de mouvements et de voix ; elle est sillonnée de mille animaux qui la peuplent et la font vivre. De tous côtés, on voit les lièvres courir le long des sillons, les volées criaillantes de perdrix partir, les couvées de grouse courir sous la bruyère, les aigles passer au-dessus des collines. Les oiseaux de toute espèce remplissent les taillis. Le renard glapit. Les phases de la journée ne sont pas notées simplement par les couleurs qu'elles étalent dans le ciel et que n'importe qui peut étaler dans ses vers ; elles sont accompagnées de quelque tin détail de vie animale que seul possède celui qui connaît bien la campagne.

Oh ! plaisants sont les prés et les bois de Colla, Où les linots chantent parmi les bourgeons,

1 Tam o' Shanter.