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a traversés à la floraison automnale des bruyères, ces horizons de mon- tagnes cramoisies qui s'étendent, lorsque le soleil couchant ajoute sa pourpre à la leur, en un paysage d'une somptuosité souveraine. Rien n'égale le saisissant effet de ces gradins gigantesques qui se prolongent dans un vaste embrasement. Tout est immobile, sauf parfois, dans la rougeur du ciel, le coup d'aile bronzé d'un aigle. C'est un spectacle d'une calme magnificence, qui appartient bien au pays écossais. Burns avait également vu ces contrées, dans leurs heures d'indicible tristesse, quand la teinte grise des roches se répand sur les lianes des ISiontagnes, quand les brouillards arrivent, que tout s'assombrit et se mêle. C'est alors le pays mélancolique d'Ossian, plein de voix et de plaintes. Les clameurs des vents et des torrents s'élèvent de toutes parts ; les vagues courent et mugissent sur le bord des lochs ; le pâle regard de la lune perce à travers les nuées ; tout est gémissant et fugitif ; on croirait que les ombres des morts traversent l'espace '. Ce charme de terreur, Macpherson l'avait déjà révélé avec une éloquence aujourd'hui trop peu comprise, et Macpherson avait été un des auteurs favoris de Burns. Cependant, Burns a traversé ces montagnes sans percevoir les deux grands aspects qu'elles revêtent, sans être frappé de leur pompe ou de leur tristesse, sans être troublé des secrets éternels qu'elles semblent garder. Les pièces qu'il a écrites pendant ses tours aux Hautes-Terres n'ont rien reçu de la grandeur des lieux. Ses vers sur Taymouth ne sont que la description d'un parc où la nature a conservé quelques-unes de ses grâces sauvages. C'est dans une de ses chansons que se trouve, à nos yeux, le paysage qui approche le plus de ceux des montagnes.

Mon cœur est dans les Hautes-Terres, mon cœur n'est pas ici ;

Mon cœur est dans les Hautes-Terres, à chasser le cerf,

A chasser le cerf, à poursuivre le daim,

Mon cœur est dans les Hautes-Terres, partout où je vais.

Adieu aux Hautes-Terres, adieu au Nord,

Le berceau de la valeur, le pays de la vertu ;

Partout où j'erre, partout où je me perds,

J'aime pour toujours les collines des Hautes-Terres.

Adieu aux montagnes, couvertes de haute neige,

Adieu aux straths 2, aux vallées vertes qui sont à leurs pieds,

Adieu aux forêts, aux bois sauvages qui pendent,

Adieu aux torrents, aux ruisseaux retentissants.

3Ion cœur est dans les Hautes-Terres, mon cœur n'est pas ici ; Mon cœur est dans les Hautes-Terres, à chasser le cerf,

A chasser le cerf, à poursuivre le daim, Mon cœur est dans les Hautes-Terres partout où je vais 3.

1 Voir les belles pages de John Wilson, dans ses Remarks on the Scenery of Scolland.

2 Le strath est une vallée large, traversée par un cours d'eau.

3 My Heart's in Ihe Highlands.