— 282 —
Et l'on arrive alors, non pas à saisir le charme de cette jolie petite pièce, mais à se rendre compte du genre de charme qu'elle peut avoir, car elle est dans sa langue originale heaucoup plus accomplie que les exemples que nous avons donnés en français. En voici une autre du même genre et peut-être plus simple encore :
Et oh I mon Eppie Mon bijou, mon Eppie , Qui ne serait heureux
Avec Eppie Adair?
Par l'amour, la beauté,
Par la loi, le devoir !
Je jure d'être fidèle à
Mon Eppie Adair !
Et oh ! mon Eppie, Mon bijou, mon Eppie, Qui ne serait heureux,
Avec Eppie Adair ?
Que le plaisir m'exile.
Que le déshonneur me souille.
Si jamais je te trahis.
Mon Eppie Adair I i
Ici encore, on peut dire que la pièce se compose de la répétition d'un nom. Les vers intermédiaires ne servent qu'à le faire prononcer avec des inflexions différentes. Mais la pièce est si harmonieuse, les sonorités des rimes accompagnent et font valoir si bien celle du nom propre, que celui-ci prend une valeur musicale et poétique qui se passe de sens. 11 revient avec persistance et avec une grâce chaque fois accrue, comme ce nom que les amants redisent machinalement et avec délices. Il fmit par prendre la douceur qui ravissait le héros du poème de Tennyson quand , en se promenant dans le jardin , près du château, il entendait les oiseaux qui disaient : « Maud ! Maud ! Maud » ! Et c'était pour lui la plus divine des musiques ^.
Il en est de même pour la passion. Dans la pièce suivante, tout le geste d'énergie farouche et désespérée, l'accent brusque et sombre de la voix qui accompagnent un adieu , est rendu par les vers courts et hachés qui terminent les strophes et surtout la seconde.
Si j'avais une caverne sur un rivage lointain et sauvage ,
Où les vents hurlent sur les bonds rugissants des vagues,
J'y pleurerais mes chagrins,
J'y chercherais mon repos perdu,
Jusqu'à ce que la peine ferme mes yeux ,
Pour ne plus m'éveiller.
1 Eppie Adair.
2 Tennyson. Maud. xii.