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On pourrait ajouter à celles-là la pièce un peu vive pour être citée, mais charmante de coloris : La jolie fille qui a fait mon lit. Elle fut composée sur une aventure de Charles II, quand il errait et se cachait dans le Nord, aux environs d'Aherdeen, au temps de l'usurpation. Il forma une petite affaire ^ avec une fille de la maison de Port-Lethan, qui était « la fille qui avait fait le lit » pour lui 2.

Burns a été plus loin ; il a chanté la long:ue fidélité de deux existences passées ensemble, le sentiment d'attachement et de longue reconnais- sance réciproque qui sort peu à peu de la passion, à mesure que celle-ci s'enfonce avec la jeunesse, il a, selon le vers admirable d'Hugo, célébré la douceur « des vieux époux usés ensemble par la vie ^ » ; jet il l'a fait dans une petite chanson exquise d'émotion vraie et simple.

John Anderson, mon amoureux, John,

Quand nous nous connûmes d'abord,

Vos cheveux étaient noirs comme le corbeau,

Et votre beau front était poU;

Mais maintenant votre front est chauve, John,

Vos cheveux sont pareils à la neige;

Mais bénie soit votre tête blanche,

John Anderson, mon amoureux.

John Anderson, mon amoureux, John,

Nous avons gravi la colline ensemble ;

Et maint jour de bonheur, John,

Nous avons eu l'un avec l'autre ;

Maintenant il nous faut redescendre, John,

Nous nous en irons la main dans la main,

Et nous dormirons ensemble au pied de la colline,

John Anderson, mon amoureux *.

Il fallait que son imagination eût vraiment exploré toutes les situations de l'amour pour l'avoir conduit jusqu'à celle qu'il était le plus incapable de connaître par lui-même.

Au milieu de ce vaste nombre de pièces, les qualités et les manières sont aussi variées que les sentiments. Parfois, bien que la chose soit rare, on sent chez lui presque uniquement l'artiste, le délicat et pré- cieux ouvrier en paroles. Ce sont les pièces qui appartiennent à la seconde partie de sa vie, quand son habileté était devenue grande, faites aux jours où l'inspiration baissait un peu sa flamme. Il reprenait alors volon- tiers un de ces canevas communs à tous les poètes, sur lesquels ils bro- dent, en les variant légèrement, des motifs semblables, arrangeant les

1 En français dans le texte.

2 Notes in an interleaved Copy of Johnson' s Musical Muséum.

3 V. Hugo. Les Contemplations ; Ecrit sur la Plinthe d'un bas-relief antique.

4 John Anderson, my Jo, John.