poésies : Le Printemps a revêtu le Bois de Verdure, et Si j'avais une Caverne sur un Rivage lointain. Cunningham méritait d'ailleurs d'ins- pirer ces deux morceaux , car il demeura inconsolable. Longtemps après, vers le soir, il allait dans la rue oii demeurait l'infidèle main- tenant mariée , afin de voir son ombre passer sur les stores ; puis il s'en retournait les larmes aux yeux ^ Pour Willie Chalmers , Burns composa la chanson de Willie Chalmers ; et pour un collègue de l'Excise, du nom de Gillespie , sa poétique romance du Bois de Craigieburn. Ce ne sont pas là des conjectures. On a son aveu ; dans ses propres notes sur ses chansons, on trouve : « Mr Chalmers, un de mes amis particuliers, m'a demandé d'écrire une épître poétique à une jeune fille, sa Dulcinée. Je l'avais vue, mais je la connaissais à peine, et j'ai écrit ce qui suit - » ; ou encore : « Cette chanson fut composée sur une passion que Mr Gillespie, un de mes amis particuliers, avait pour Miss Lorimer, plus tard, Mrs Whelpdale ^ ». Il allait au-devant des demandes et proposait ses services. Il écrivait à Johnson : « Avez-vous une belle déesse qui vous entraîne comme une oie sauvage, dans une poursuite de dévotion amoureuse? Faites-moi connaître quelques-unes de ses qualités, comme, par exemple, si elle est brune ou blonde, grasse ou maigre, petite ou grande, etc ; choisissez votre air et je chargerai ma muse de la célébrer * ». Ainsi, il ne pouvait jamais rester désœuvré du côté de l'amour, et, à ses propres intrigues, il ajoutait celles des autres.
Et ce n'est pas tout. Lorsque l'amour a pris ainsi possession d'une àme, l'a remplie de son rêve et l'a faite sienne, il y chante, pour ainsi dire, de lui-même. Il n'est plus besoin qu'une circonstance particulière y éveille des paroles éprises ; elles y naissent sans cause, comme les soupirs d'un luth. Quand l'esprit de Burns n'était pas occupé d'amours réels, pour lui ou ses amis, il s'en créait d'imaginaires. Il portait cons- tamment en lui des épisodes rêvés, des déclarations toujours prêtes, des ivresses ou des tristesses feintes, des romans innombrables, dont son cœur, à qui la réalité ne suffisait pas, entretenait son infatigable préoc- cupation d'amour. On peut se représenter ce qu'il a pu passer de combi- naisons amoureuses dans un esprit ainsi employé. Une rencontre, un site favorable, un rien lui faisaient construire de ces rêveries, de ces châteaux en Espagne, aux fenêtres garnies de jolis visages. Son cœur était toujours inquiet d'amour,
comme la boussole Tout en vacillant tourne au pôle.
' Scott Douglas, tom III, p. 141. - Lockhart. Life of Burns, p. 152.
3 Glenriddell Manuscript.
4 To J. Johnson, Nov. 15tii, 1788.