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arrache fortement à sa conduite un avertissement, brusque comme le chagrin qui nous atteint au bout d'une suite de faiblesses et tout d'un coup nous les dévoile. Il est plein de ces aveux et de ces conseils. La pièce qui a pour titre : Epître à un jeune Ami , et qui est si riche de paroles pratiques et viriles qu'on pourrait la comparer aux recommanda- tions de Polonius à son fils, en est un exemple. Les exhortations se succèdent, portant sur tous les points où un homme doit être prémuni ; pensées prudentes, avisées, en même temps qu'élevées, et toute cette sagesse aboutit à un retour mélancolique sur lui-même.

En termes de laboureur, ^> Dieu vous prospère « 

A devenir chaque jour plus sage.

Et puissiez-vous mieux suivre ce conseil

Que ne l'ajamais fait le conseilleur.

Ces aveux sont épars de tous côtés dans son œuvre. Ils sont accompa- gnés de préceptes d'indulgence, dans lesquels on sent qu'il la réclame autant qu'il la conseille.

Ce quelque chose de grave, qui reparaît ça et là, suffit pour remettre toutes choses en leur place. Le rire et le comique restent au premier plan, mais ils ne sont pas seuls. Derrière leur gaîté sortent des avertisse- ments et une voix plus austère qui ne laisse pas oublier ce que la vie contient de sérieux et d'imposant, qui en proclame les responsabilités. Par delà les scènes de la vie ordinaire qu'il excelle à peindre, il y a une pensée plus sévère qui les observe, qui les juge, les condamne ou les plaint. Parfois même, on l'a vu, il arrive jusqu'à la tristesse qui fait le fond de la vie et la clôt. 11 n'avait pas encore connu le désenchantement de la vieillesse et la décoloration qui s'étend sur tout , mais il avait déjà eu des moments oii l'inanité de nos courtes carrières apparaît. Il avait connu précocement ce terrible « A quoi bon ? », qui visite, vers leur fin, lee âmes les plus actives et les mieux réglées, celles qui ont fait le plus consciencieusement leur besogne de vivre ; et qui assaille de meilleure heure celles qui se sont dispersées et n'ont pas donné tout ce qu'elles pouvaient. En sorte qu'une moralité se dégage après tout de son œuvre. Sa peinture de la condition humaine n'en représente pas seule- ment le côté insouciant, pittoresque et quotidien. Elle est plus complète. Elle n'en ignore ni les douleurs, ni les fragilités, ni les énigmes, tout le côté obscur et qui regarde du côté de la mort.