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II en faut conclure que Burns n'a pas rendu avec la même netteté la beauté des choses que leurs aspects familiers et comiques. II a été plus créateur dans le grotesque que dans le sérieux. De la beauté répandue dans la vie, il a eu surtout le goût de la beauté morale. Lui qui est si peintre dans les faits de tous les jours, n'est plus, à une certaine hauteur, qu'un orateur. Il a l'ardeur, l'âpreté, l'éloquence ; il cesse d'avoir la véritable création. Il a été un prédicateur de choses nobles et un peintre de choses vulgaires. Mais la vie est au-dessus de tout. Le côté des œuvres de Burns oii sont les Joyeïix Mendiants , La Veillée de la Toussaint , La Mort et le D^ Hornbook, Tarn de S'hanter , est plus de génie que celui oii se trouve le Samedi soir, XOde de Bruce et les Conseils à un Jeune Homme.

Malgré cette préférence, il aurait été injuste de négliger cet aspect de Burns. Cela ajoute quelque chose à un homme d'avoir énergiquement aimé la liberté, la justice et la bonté mutuelle entre les hommes. Cela ajoute quelque chose à un poète de les avoir chantées avec des accents vibrants. Cela ajoutera beaucoup à la gloire de Burns de les avoir chantées en des chants si simples et si forts qu'ils ont fourni au peuple la poésie de ses droits, de ses colères, et de sa dignité.

LE JUGEMENT DE LA VIE.

Au delà de^ces nobles passions qui sont les ailes de la vie , il y a des pensées qui se placent en dehors d'elle, pour la mesurer et la juger. II y a l'intelligence du peu qu'elle est, de sa brièveté, de sa vanité, de ses tristesses, de ses défaillances. Dans quelque joie ou quelque activité que l'homme existe, il n'a qu'une idée imparfaite de sa situation tant qu'il ne l'a pas envisagée par ce dehors et connue pour ce qu'elle est. C'est un contrôle qui nous empêche d'accorder trop d'importance à nos pauvres nous-mêmes, d'exagérer la petite place que nous tenons. Il est bon de savoir que les bonheurs sont de courts rêves que beaucoup, autour de nous, ne peuvent pas même rêver. Cela nous ramène au sentiment de la fuite et de la fragilité de la vie. Et cette conviction nous empêche d'être les dupes de nos propres espoirs , de nous enfermer dans l'égoïsme de notre propre satisfaction. En sachant le peu que tout cela vaut et dure, nous sommes plus préparés à le perdre ou à le partager ; nous devenons plus sages et meilleurs. En vérité, il n'y a pas de tableau achevé de la vie, sans cet arrière-plan de mélancolie.

Burns a eu fortement cette sensation du rapide passage de la vie. Au milieu du rire et des plaisirs, il n'oublie jamais complètement que tout cela est l'éclat d'un tlol qui passe, moins brillant s'il était moins rapide.