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observe par tout le pays. Le paysage est désolé : le vent de novembre siflle aigre et irrité ; le jour bivernal se clôt; les bêtes toutes boueuses viennent de la cbarrue ; le noir cortège des corbeaux passe dans le ciel. Le laboureur, rapportant sur son épaule sa bêche, sa pioche et sa houe, regagne sa demeure, traversant d'un pas alourdi les moors qui s'obscur- cissent. C'est une impression de lassitude et de tristesse. Enfin, la chaumière isolée se montre sous le vieil arbre qui l'abrite. Les enfants accourent. Le feu qui brille au foyer clair, le sourire de sa femme, le gazouillement du dernier-né sur ses genoux, trompent les soucis qui le rongent, lui font oublier son labeur, et ses endurances. C'est le tableau si souvent décrit du laboureur qui revient le soir, mais avec une teinte plus réelle et plus attristée.

Les uns après les autres, les enfants qui sont au service dans les fermes voisines, arrivent. Puis leur aînée, Jenny, qui devient une femme toute fleurie de sa jeunesse. Les frères et les sœurs réunis se mettent à causer, pendant que la mère, avec son aiguille et ses ciseaux, force les vieux habits à avoir# presque aussi bon air que les habits neufs. Il y a dans toute cette scène un sentiment d'affection réciproque, un bruit de bonnes paroles aimantes et fraternelles qui fait plaisir. Le père donne ses conseils et fait ses recommandations.

Les ordres de leur maître et de leur maîtresse,

Les enfants sont avertis qu'ils doivent y obéir,

-. Et s'occuper de leur travail d'une main diligente,

Et, bien que bors du regard, ne jamais jouer ni flâner ;

« ! ayez bien soin de toujours craindre le Seigneur,

De bien penser à vos devoirs, le matin et le soir ;

De peur que vous ne déviiez dans le sentier de la tentation,

Implorez son Conseil et l'appui de son Pouvoir ;

Ceux-là n'ont jamais cherché en vain qui ont vraiment cherché Dieu ».

Mais on frappe timidement à la porte. Jenny, qui sait ce* que cela signifie, se hâte de dire qu'un gars du voisinage est venu par les moors pour faire des commissions et la reconduire jusqu'à la maison. Le père s'y tromperait peut-être, mais la mère plus fine a vu la flamme secrète étinceler dans les yeux de Jenny et rougir sa joue. Il y a, en deux ou trois vers d'une fine observation, un de ces courts drames intérieurs qui tiennent en quelques mots. La mère a un moment d'anxiété en demandant le nom. Jenny hésite un peu à le dire. La mère est tout à coup heureuse en entendant que ce n'est pas celui d'un mauvais sujet et d'un débauché. On sent tout ce qui s'est passé entre la mère et la fille sous ces quelques mots indifférents pour tous. On ouvre la porte ; le gars entre. Son air plaît à la mère. Jenny est heureuse de voir que la visite n'est pas mal prise. Le père se met à causer de chevaux, de charrue et de bœufs. Le gars, dont le cœur déborde de joie, reste tout gauche, tout timide et tout