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Telle était leur foi que la Terreur elle-même ne l'ébranla pas. La colonne de lumière s'était changée en une colonne de feu et de fumée d'un rouge sinistre et sombre. C'est qu'elle dévorait les obstacles sur lesquels elle passait ! La faute n'en était pas à elle, mais à toutes les choses mauvaises qu'elle rencontrait. C'était un incendie où se consu- maient toutes les hontes, les fautes, les infamies, accumulées pendant des siècles. Elle dévastait pour (rayer la route : elle continuait son chemin, elle n'en conduisait pas moins vers la Terre Promise oh fleurissaient la Vigne de l'Amour Humain et l'Olivier de la Paix éternelle. Oui, c'étaient les derniers débris du passé qui brûlaient, d'un passé encore coupable et odieux d'obscurcir le présent ! Coleridge s'écriait avec ses images oratoires :

Qu'importait si le cri aigre du blasphème Luttait avec cette douce musique de la délivrance I

Si les passions sauvages et ivres lissaient

Une danse plus furibonde que les rêves d'un fou !

orages assemblés autour de Test où gémissait l'aurore,

Le soleil se levait, quoique vous cachiez son éclat *.

Et Wordsworth se disait, avec sa manière plus profonde et plus précise où chaque mot va si bien trouver la réalité des choses, que la cause de ces malheurs n'étaient ni le gouvernement populaire , ni l'égalité, ni les folles croyances greffées sur ces noms par une fausse philosophie.

" Mais un terrible réservoir de crime Et d'ignominie, rempli de siècle en siècle , Qui ne pouvait plus garder son hideux contenu , Mais avait crevé et avait épandu son déluge à travers la contrée 2. »

Cependant ils souffrirent. Leurs âmes étaient trop purement idéalistes pour n'être pas navrées de ces accidents affreux, où des esprits scienti- fiques peuvent ne voir que des écrasements inséparables des transforma- tions sociales. Ce fut comme un cauchemar. Pour Wordsworth, cela est vrai, à la lettre. Ses nuits en étaient troublées ; son sommeil , pendant des mois et des années , longtemps après les derniers battements de ces atrocités, en demeura rempli de visions funèbres, d'instruments de mort, et de plaidoyers qu'il prononçait devant des tribunaux sanglants.

aussi.

Ce fut un temps lamentable pour l'homme ,

Qu'il ait eu une espérance ou non ;

Un temps douloureux pour ceux dont les espérances survivaieni

Au choc; très douloureux pour les rares qui encore

Se flattaient et avaient confiance dans le genre humain ;

Ceux-là eurent le plus profond sentiment de douleur 2.

1 Coleridge. France, an Ode.

2 Wordsworth. The Prélude, Book x.