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deux hommes, quand l'Angleterre prit les armes contre le peuple qui était à leurs yeux le champion de la liberté, eurent le courage de se séparer d'elle. «Si je savais quelque chose qui fût utile à ma patrie et qui fut préjudiciable à l'Europe et au genre humain, je le regarderais comme un crime », avait dit Montesquieu. Mais ces choix déchirent le cœur, et c'est cette souffrance ([ui les rend magnanimes. Elle fut cruelle chez ces poètes qui tenaient si profondément au sol natal que leur poésie tout entière est puisée en lui.

Il n'existe rien de plus émouvant que les pages dans lesquelles Wordsworth a retracé ces heures de doute et de douleur où il se crut obligé de prendre parti contre sa patrie.

^^ Quelles furent mes émotions, quand, en armes, L'Angleterre alla mettre sa force , née de la liberté, en ligne, Oh! pitié et honte! avec ces Puissances confédérées i.

Il faut l'entendre quand, avec sa façon grave et profonde d'analyser ses sentiments, il explique que jusque-là sa nature morale n'avait pas encore reçu de choc. Il ne connaissait encore ni chute, ni rupture de sentiment, rien qui put être appelé une révolution en lui-même. Il croyait pouvoir accorder son amour de la Justice avec celui de son Pays, et il dit gracieusement :

Comme une légère

Et pliante campanule, qui se balance dans la brise,

Sur un rocher gris, son lieu natal, ainsi avais-je

Joué, enraciné sûrement sur la tour antique

De ma contrée bien-aimée, ne souhaitant pas

Une plus heureuse fortune que de me faner là *. ,

Et maintenant, il était arraché de cette place d'affection et emporté dans le tourbillon. Il se réjouissait, oui ! il exultait, quand des Anglais par milliers étaient vaincus, laissés sans gloire sur le champ de bataille, ou chassés dans une fuite honteuse. C'est alors qu'il raconte comment il entrait parfois dans une église de village , où toute la congrégation offrait des prières ou des louanges pour les victoires du pays, et, sem- blable à un hôte qu'on n'a pas invité et que personne ne reconnaît, il restait assis, silencieux. A peine ose-t-il avouer qu'il se nourrissait du jour de la vengeance à venir. Et c'est là qu'il raconte aussi comment il regardait la flotte qui porte le pavillon à la croix rouge se préparer pour cet indigne service, et comment, chaque soir, quand l'orbe du soleil descen- dait dans la tranquillité de la nature et que le canon se faisait entendre, son esprit était assombri de noires imaginations, du sens de malheurs à

1 "Wordsworth. The Prélude, Book x.