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moment unique. L'Ecosse peut encore produire un grand poète drama- tique. Elle n'aura pas de théâtre écossais.
ÏV.
LES ASPECTS NOBLES DE LA VIE. — l'ÉCHO DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. BURNS POÈTE DE LA LIBERTÉ ET DE l'ÉGALITÉ. — LA POÉSIE DES HUMBLES.
On pourrait croire que le côté comique et le don d'observation familière, presque terre à terre, ont à peu près exclusivement constitué le génie de Burns. Ce serait une erreur. 11 avait également , quoique à un degré moindre, le don de voir la noblesse des choses, les parties de beauté qu'offre la vie. Il pouvait dégager les éléments délicats et les moments plus purs, qui sont épais dans l'ordinaire et le laid. Il était sensible à l'aspect artistique du monde , et , à côté du puissant caricaturiste, il y avait un peintre charmant. Il importe, pour être juste, d'en marquer le mérite , et , pour ne pas être excessif, d'en marquer les limites.
C'est le don et l'application de certains poètes de dégager, de leur mélange avec le vulgaire , les traits et les instants de beauté , de les représenter comme si ces traits seuls composaient les êtres, et ces instants toute la vie. C'est le privilège de certains esprits de vivre ainsi dans une sorte de luxe et de somptuosité intérieurs. Ils produisent un monde où tout est délicat et merveilleux, où rien n'habite que la Beauté. Les œuvres de poètes comme Spenser ou Keats, par exemple, ne sont qu'un déroulement de fresques magnifiques ; celle d'un poète comme Tennyson n'est qu'une collection de visions délicates et élevées. Le défaut de ces nobles artistes est qn'en épurant trop la vie, ils lui enlèvent beaucoup de sa réalité et de son action. Il y en a d'autres, moins exclusivement consacrés à ce culte et plus humains, comme Shakspeare ou Browning, chez lesquels se trouvent cependant des passages d'artistes, suspendus cà et là comme de riches tableaux. Burns est loin des uns et des autres. Pour être semblable aux premiers, il avait trop le sens de la réalité ; sa gloire n'a pas à le regretter. Pour prendre rang parmi les seconds, il lui manquait non-seulement le commerce des œuvres d'art, qui est devenu un élément si important dans la composi- tion des poètes, mais même la lecture de l'antiquité qui reste la révélatrice et l'inspiratrice du beau. La Renaissance elle-même, avec ses profusions d'éclat et son goût moins pur, lui était ignorée. Il n'était guère familier qu'avec la littérature du xviii® siècle, abstraite, terne, personne sage qui faisait de grandes économies de couleur, que la littérature de ce siècle-ci, comme une fille prodigue, a dépensées d'un