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L'histoire de ce poème est des plus curieuses. On a vu dans quelles circonstances il avait été composé, en 1785. Burns, pa,«;sant un soir, avec deux de ses amis, devant un public-house de Mauchline, et entendant des chants, était entré. Il avait trouvé une bande de mendiants et de gueux, qui buvaient et se réjouissaient. Ce tableau l'avait tellement frappé qu'il l'avait presque aussitôt rendu en vers. Un fait réel, comme toujours, se retrouve à l'origine ; c'est une remarque qu'il ne fiiut pas se lasser de faire. Quelques jours après cette rencontre, il avait récité le nouveau poème à son ami Richmond, lequel racontait plus tard que, autant que sa mémoire lui permettait de l'affirmer, il contenait deux chansons qui ne s'y trouvent plus : l'une par un ramoneur, l'autre par un matelot *. Burns lui avait en même temps donné une partie du manuscrit 2. Chose singulière, il semble ne s'être pas plus soucié de ce chef-d'œuvre que d'une de ses improvisations de cabaret. Peut-être est-ce parce que, selon le témoignage de Chambers, sa mère et son frère l'avaient médiocrement goûté "^ Toujours est-il que cette charmante production disparut, qu'il n'en reparla jamais, et qu'il semble l'avoir complètement oubliée. A une demande de Thomson, qui en avait probablement entendu parler par Richmond, il répondit en 1793, c'est-à-dire, huit ans aj)rès : « J'ai oublié la cantate à laquelle vous faites allusion, n'en ayant pas conservé de copie, et, à la vérité, je ne connaissais pas son existence. Cependant, je me souviens, qu'aucune des chansons ne me plaisait, sauf la dernière, quelque chose dans le genre de ceci :

Les cours furent érigées pour les lâches. Les églises bâties pour plaire aux prêtres ^.

Ce n'est qu'en 1799, trois ans après la mort de Burns, qu'on retrouva le reste du manuscrit dont il avait fait présent à un autre de ses amis, et c'est en 180-2 seulement que le poème fut publié en entier, complété par la portion qui se trouvait en possession de Richmond ^. Il s'en est fallu de peu qu'il ait disparu. Cela prouve avec quelle facilité Burns dispersait alors ses vers, et combien il faisait peu de différence entre ces com- positions écrites et ses causeries, qui étaient, au dire de tous, aussi surprenantes.

Le morceau pourrait avoir pour épigraphe ce vers d'un poète auquel Burns nous fera penser plus d'une fois, notre vivant Mathurin Régnier :

« Puis les gueux en gueusant frouvenl maintes délices ^ >^.

1 R. Chambers. Life of Burns, tom I, p. 183.

2 Scott Douglas, tom I, p. 180 (en notel.

<* R. Chambers. Life of Burns, tom I, p. 183.

i To Thomson, Sept n93. ,

3 Scott Douglas, tom I, p. 180-81 (note). 6 Régnier. Satire II, vers 56.