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mission des caractères physiques coïncide avec celle des caractères intel- lectuels oumoraiix , si tous ceux-ci se transmettent intégralement d'un côté ou d'un autre ; et dans le cas oii ils se transmettent partiellement, c'est-à-dire si un enfant tient certains traits moraux de sa mère et certains de son père, nous ignorons ce que peuvent produire d'inattendu et de nouveau ces mélanges de caractères. La chimie des reproductions n'existe pas. Nous ignorons enfin quelles peuvent être les sautes d'hérédité avec leurs emprunts divers, leurs comhinaisons illimitées. En somme, nous ne savons pas scientifiquement ce qu'on appelle un Écossais, ni si Burns était un Écossais, ni si son père et sa mère en étaient, ni s'il leur ressemhlait et à quel degré. Car il ne faut pas ouhlier que les hypothèses de filiation qu'on rencontre dans sa biographie relèvent du hàtif et grossier empirisme qui nous sert, dans la vie, à nous faire, par à peu près, une idée sur les gens. Elles comportent tout ce qu'il y a de problématique et d'aventureux dans nos appréciations morales et dans nos explications des caractères. Ce sont des expédients et des conjectures de romancier et non des procédés et des assurances de savant. Que serait-ce donc pour des hommes sur lesquels on n'a absolument aucun détail, pour Chaucer ou Shakspeare par exemple? Mais, à y bien réfléchir, cela n'a pas tant d'impor- tance. Si, pendant qu'ils sont vivants, les membres de l'Académie française voulaient fixer à quelle race ils appartiennent, afin de fournir des rensei- gnements aux critiques futurs, ils ne le pourraient pas, même avec l'aide de leurs confrères anthropologistes de l'Académie des Sciences.

Allons plus loin. Nous connaissons exactement, il est vrai, le paysage dans lequel a vécu Burns et aussi, partiellement, la société dans laquelle il a, grandi. En cela, nous avons un très grand avantage, car ce sont des renseignements que nous ne possédons pas sur la plupart des grands hommes. Mais, en réalité, en quoi cela contribue-t-il à la moindre expli- cation de son génie ? Tout cela n'est que le monde dont il a pris possession, 011 il s'est promené. Cela n'explique pas ce quelque chose d'insaisissable, d'intransmissible qui s'est emparé de ce milieu, l'a modifié et transfiguré ; la manière particulière dont un esprit saisit ce qui l'entoure. On accepte pour des explications ce qui n'est que l'énumération et la description des conditions dans lesquelles le génie s'est exercé ; ou peut-être moins encore: les sujets, les occasions et le cadre de son œuvre simplement. Cela semble clair ici. Le climat est âpre et sombre, le pays dur et ingrat, la vie était pauvre et malheureuse , a société morose et austère ; dans ces circonstances se forme et s'épanouit un des plus joyeux, sinon le plus joyeux, des poètes modernes, celui qui a le rire le plus franc et le plus abondant. Et n'est-ce pas une chose digne de remarque que l'autre livre de grande gaîté que ces derniers cent ans ont produit , Pichvick, est né également sous un ciel qui ne peut, paraît-il, couvrir que de la tristesse? Tant il est vrai que le luxe du climat n'est pas indispensable , pas plus