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indispensable à la marche de l'histoire, que c'est plutôt de la variété que de la fantaisie, et que, même là, nous retrouvons le caractère de mesure et de raison, qui est au fond de l'humour de Burns.

On ne peut s'empèchcr de comparer la chevauchée de Tam de Shanter à une autre chevauchée, fameuse dans la littérature anglaise, celle de John Gilpin d'amusante mémoire. Sans doute, l'aventure du marchand drapier, cramponné à la crinière de son cheval, perdant son chapeau, perdant sa perruque, perdant son manteau rouge,' cassant ses bouteilles, traversant les villages comme un éclair, passant et repassant sans pouvoir arrêter sa monture devant le balcon où sa femme l'attend, est d'une charmante et franche drôlerie. Mais ce n'est que le développement Habile et tout littéraire d'une situation ridicule. Cela semble mince et vite épuisé auprès de l'histoire de Tam de Shanter. Celle-ci est autrement riche, variée, profonde. Elle a surtout une sève de vie réelle, qui se renouvelle et jaillit de toutes parts. C'est John Gilpin qui aurait pu être écrit par un homme de talent. L'immortel Tam, quoi qu'en dise Carlyle, est la création d'un homme de génie. Et, ici encore, on rencontre le regret que la vie de Burns n'ait pas donné tout ce qu'elle contenait. Il écrivait à un de ses amis , en lui envoyant le poème : « Je viens d'achever un poème, Tam de Shanter^ que vous recevrez ci-inclus. C'est mon premier essai en fait de contes. ^ » Qu'on imagine ce qu'aurait été un volume d'histoires de ce genre, diverses, prises de tous côtés, et écrites avec cette puissance de vie , de comique et de poésie. C'eût été un livre à mettre à côté des admirables Contes de Canterbwy du vieux Chaucer.

Cet humour de Burns éclata parmi les Écossais comme une révélation. Ils ignoraient que leur sol pût produire un fruit aussi savoureux. Dans le n" 83 du Mirror , journal périodique à la façon du Spectator , publié à Edimbourg, à la date du 22 février 1780, c'est-à-dire un peu avant l'arrivée de Burns dans cette ville , on trouve un article intitulé : Recherche sur les causes de la rareté d^e'crivains humoristiques en Ecosse"^. L'auteur , après avoir constaté que son pays produit sur les autres sujets des écrivains d'un mérite considérable, s'étonne que la Tweed établisse pour l'humour, une si frappante ligne de démarcation.

« Dans une branche de l'art d'écrire, dans les ouvrages et compositions d'humour, il est hors de doute que les Anglais n'ont à redouter aucune rivalité de leurs voisins du Nord. Les Anglais excellent dans la comédie ; plusieurs de leurs romans sont pleins des plus humoristiques représentations de vie et de caractères , et maints de leurs autres ouvrages sont pleins d'un excellent comique. Mais en Ecosse , nous avons à peine des livres qui visent à l'humour , et des quelques-uns qui y visent , peu ont

' To Alex. Cunningliam, 23rd Jan 1791.

2 The Mirror, a periodical paper, published at E'iinburgh, ia the Years ITVO et 80.