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nées , aussi parfaitement composées que celles d'autres humoristes affectent d'être détraquées et étranges. Ce n'est pas trop de dire qu'elles sont aussi courtement menées qu'une fable ou qu'un conte de La Fontaine. Ellesjustifient la filiation d'Addison qui faisait l'humour fils de la vérité et du bon sens i.

Il nous semble que l'humour de Burns se dégage maintenant et que nous apercevons ce qu'il a d'original. Il ne possède pas beaucoup de sensibilité, du moins envers les hommes, ni grande fantaisie; mais une gaîté franche, de la belle humeur, une raillerie mise dans les personnages eux-mêmes, le comique ne sortant pas de réflexions à leur sujet, mais de leurs propres gestes et paroles, une action et un mouve- ment infatigables , quelque chose de nourri , de plein , de si naturel que le rire semble être dans ces choses elles-mêmes , et de si juste qu'elle ne déforme pas la réalité et ne sent jamais la caricature. Avec cela, leste, preste, de proportions moyennes, d'une allure dégagée et bien prise. Malgré nous , il nous fait songer à la gaîté française , tant il est net et pétillant. L'humour a été comparé à l'aie , boisson forte et sérieuse ^ ; elle a quelquefois l'âpreté du whiskey ; celui de Burns rappelle la jovialité qui vit dans l'àme allègre de nos vins. Il fait encore penser à celui de nos conteurs par je ne sais quoi de moyen et de pondéré ; par un fonds solide de raison qu'il a beaucoup plus que les éclats de la fantaisie. Il n'y a pas, dans la littérature anglaise, d'humour plus sobre et en même temps plus dru , plus alerte , et plus dramatique. Il n'y en a pas qui soit moins ce qu'il est convenu d'appeler anglais. On voit souvent, sur les chemins du pays d'Ayr , de jolies filles légères et rieuses. Elles marchent court vêtues , avec des gestes animés. Elles sont plus petites , moins poétiques que les Anglaises , mais mieux prises et plus vives. Elles ont des extrémités plus fines , un pas plus léger , quelque chose de plus dispos. Si un lourd fermier passe gauchement sur son cheval , elles le plaisantent et en rient follement. Mais si elles voient un oiselet blessé , les larmes leur viennent aux yeux , sans que la fleur rose de la gaîté ait le temps de faner sur leur bouche. L'humour de Burns leur ressemble.

Cet humour circule partout , se retrouve sur toutes les routes , dans les petits sentiers de son œuvre. Presque toutes ses grandes pièces en foisonnent: Halloiveen, la Sainte-Foire , V Adresse au Diable, l'Adresse au Haggis , \' Elégie de Tarn Samson , tous les poèmes satiriques contre le clergé: V Ordination , les Deux Pasteurs, l'Adresse aux rigidement

1 Voir l'article d'Addison sur l'Humour , dans le Speclator , n" 35. — Les critiques qui veulent faire de l'humour quelque chose de décousu et de bizarre feront bien de relire cette définition de l'humour par un des maîtres de l'humour.

2 Taine. Noies sur l'Angleterre, p. 344, voir aussi Histoire de la Littérature Anglaise, tom V, chap. iv, 2.