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eux-mêmes ; ce sont des types représentant des hypothèses et engendrés en vue d'une discussion. La raillerie de Voltaire porte moins sur la vie elle-même que sur les conceptions de la vie. Elle contient plus de réflexion abstraite que d'observation ; ses romans contiennent plus de pensée que de vie. Ce qui n'empêche pas qu'il y ait dans Candide, et peut-être plus encore dans V Ingénu, assez de contact avec la réalité pour qu'ils soient de véritables œuvres d'humour.

La plupart des écrivains qui ont traité de l'humour ont vaguement perçu la nécessité de cette observation concrète de la vie ; ils ne l'ont pas dégagée de l'amas des traits secondaires ou accessoires qu'ils ont souvent placés au premier rang. Ils ont été semblables à ces médecins qui constatent les symptômes décisifs d'une maladie, sans comprendre leur importance, et les laissent disséminés parmi des faits indifférents et accidentels. C'est ainsi que Campbell dit: «'Le sujet de l'humour est toujours le caractère , ses faibles, généralement, tels que les caprices, les petites extravagances, les inquiétudes faibles, les jalousies, les faiblesses enfantines, la pétulance, la vanité, l'amour-propre. On trouve carrière à exercer ce talent surtout en racontant des histoires familières, ou en assumant et en jouant un caractère qui a de la drôlerie ^ ». Plus loin, il laisse encore mieux voir combien cette condition le préoccupait, quand il dit que l'homme d'humour descend souvent jusqu'à la minutie, qu'il tombe quelquefois dans l'imitation des singularités de la voix, des gestes, ou de la prononciation, et qu'il doit « exposer l'individuel ^ ». Macaulay parle de l'humour comme du « pouvoir de tirer de la gaîté des incidents qui se présentent chaque jour et des petites singularités de caractère et de manières qui peuvent se trouver dans tous les hommes ^ ». Carlyle est plus précis encore. « L'humour, dit-il, est, à proprement parler, le révélateur des choses humbles, ce qui le premier les rend poétiques à l'esprit. L'homme d'humour voit la vie commune, même la vie vulgaire, sous une lumière nouvelle de gaîté et d'amour ; tout ce qui existe a un charme pour lui ^ ». N'est-ce pas encore la même idée du réel qui reparaît, mélangée à l'idée de sensibilité chère à Carlyle, lequel a été lui-même un humoriste dénué de sensibilité? Ecoutons maintenant Thackeray : « L'humoriste, selon ses moyens et son talent, commente presque toutes les actions et les passions de la vie. Il prend sur lui d'être, pour ainsi parler, le prédicateur de tous les jours*». George Eliot a quelques expressions qui rendent bien ce qu'il faut à l'humour de parti- culier, de solide, cet élément pittoresque et tangible qui lui est nécessaire.

1 Campbell. Philosophy of Rheloric, chapter ii, section 2.

2 Macaulay. Essay on Addison.

3 Carlyle. Essay on Schiller.

■ 4 Thackeray. English Humourists. Swift.