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on est excommunié et la vie devient impossible dans une société fanatique et terrifiée. Il faut se soumettre, ou bien on n'a de refuge que dans l'existence nomade des mendiants et des vagabonds. Il faut, devant toute la Congrégation, paraître en pénitent et recevoir la réprimande du ministre. Et dans quelle situation ? En face de la chaire, dans le passage de l'église, se trouve un escabeau élevé qu'on appelle l'escabeau du repentir. C'est là qu'il faut s'asseoir, sous tous les regards, et endurer pendant des heures l'humiliation de ce pilori ecclésiastique. Quand ce sont de pauvres filles, elles essaient de cacher leur rougeur et leurs larmes sous leurs plaids. Mais les sessions sont impitoyables : « considérant que la plupart des femmes qui viennent à l'escabeau pour y faire leur contrition publique, s'y asseoient avec leurs plaids autour de leurs têtes, couvrant leurs visages, pendant tout le temps qu'elles sont assises, en sorte que personne ne peut voir leur visage, on ordonne que l'officier enlèvera son plaid à chaque pénitente avant qu'elle ne monte sur l'escabeau ^ » Et ce supplice n'est pas d'un seul dimanche ; pendant trois ou quatre, pendant neuf ou dix quelquefois , c'est-à-dire, pendant près de trois mois, il faut chaque semaine subir cette déshonorante exposition. On devine les résultats fréquents de ce système. Les âmes faibles en restaient honteuses et brisées ; d'autres se révoltaient, s'endurcissaient.

Sous ce dogme et cette discipline, le peuple avait perdu toute joie et toute gaîté ; les sentiments expansifs, naturels et sains, qui sont le sel et le levain de la vie, qui la rendent plus légère et moins amère, en avaient été retirés. Elle était devenue contrainte, morose, sombre, uniforme , ombrageuse à propos des moindres faits. Ces hommes , toujours en défiance contre eux-mêmes, redoutaient et se reprochaient comme un péché le moindre plaisir qu'offrent les relations sociales ou la vue de la nature 2. Ils étaient bourrelés de scrupules. Ils vivaient dans un état de surexcitation religieuse continuelle, brûlés d'un feu sombre et d'une inextinguible soif de parole sainte. Ces sermons même qui, pendant des journées entières, coulaient, ne les désaltéraient pas; leur attention usait le zèle de leurs pasteurs. Chose étrange ! ils étaient devenus partisans de cette religion beaucoup plus infernale que céleste. Ils en étaient venus à ne plus vouloir, à ne plus comprendre qu'un Dieu inflexible. Ils ne voulaient pas être rassurés. Quand on le leur représentait clément et accessible au pardon, ils criaient à l'hérésie. Dans sa jeunesse, le célèbre Francis Hutcheson avait un jour remplacé son père dans sa chaire et avait prêché pour lui. Son sermon étant

1 Gh. Rogers, Scolland, p. 351. — R. Chambers, Domeslic Annals, tom I, p. 335,

2 Buckle, tome III, p. 231, 24*7 et 252. — Voir la même pensée exprimée plus timide- ment dans R. GhamberB, Domeslic Annals, tome I, p. 33T.