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loin du pauvre havre, plonge dans les abîmes, flagelle aux flancs et aux faîtes des flots, etjette soudain sur une côte enchantée, connaissent seuls d'aussi extrêmes aventures et des péripéties aussi rapprochées.

Mais il convient d'abord de retracer le fond d'existence sur lequel ces événements se sont passés. La ferme était une petite construction un peu plus confortable que celles que la famille Burns avait habitées jus- qu'alors. Elle était sur le modèle des maisons écossaises, comprenant en bas les deux pièces ordinaires que les écossais appellent but et ben, c'est- à-dire la pièce du devant et la pièce intérieure. Au-dessus, se trouvait une manière d'étage, auquel on arrivait par une échelle de meunier et une trappe, et dont une partie était employée comme grenier, tandis que l'autre formait un galetas où couchaient les deux frères, sur un même lit. Une fenêtre de quatre vitres étroites éclairait cette chambrette ; tout le mobilier consistait en une petite table de bois blanc placée sous la fenêtre, dans le tiroir de laquelle Burns rangeait ses papiers et ses poèmes ^. La ferme était en commun, car tout le monde avait fourni ses économies pour la garnir. « Chaque membre de la famille, dit Gilbert, recevait les gages ordinaires pour le travail qu'il donnait sur la ferme. Les gages de mon frère et les miens étaient de 7 livres (175 frs.) par an, pour chacun. Pendant tout le temps que l'entreprise de la famille dura , c'est-à-dire quatre années, aussi bien que pendant la période précédente àLochlea, ses dépenses n'excédèrent jamais son maigre revenu '.» Tous travaillaient. Il n'y avait d'étrangers que trois gamins qui faisaient les commissions, lesquelles consistaient surtout à porter les lettres de Bobert, ou qui aidaient aux diverses besognes. La ferme n'était pas très richement montée, ni en bétail ni en instruments. Avec bonne humeur Burns en a laissé l'inventaire complet. 11 a quatre chevaux qui sont l'attelage de sa charrue : un bon vieux bidet, une jument rapide, mais à laquelle (Dieu lui pardonne ce péché avec les autres !) il a donné les éparvins un jour qu'il allait faire sa cour, une troisième bonne bête, et la quatrième, un maudit cheval des hautes terres têtu , farouche et fou ; avec cela un beau poulain :

De plus, un poulain, le roi des poulains

Qui ont jamais couru devant une queue ;

S'il vit assez pour devenir une bête ,

Il me rapportera quinze livres pour le moins.

De voitures, je n'en ai que peu :

Trois chariots dont deux ne sont guère neufs ,

Une vieille brouette, plutôt pour montre ;

Elle a une jambe et les deux bras brisés ;

1 Ghambers, tom. I, p. 145, — William Jolly, chap. ii. — Adamson, chap. xiv.

2 Gilbert Burns. Narrative.