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été, en outre , une fille de tête et de sang-froid , qui tenait à voir clair dans l'avenir et dans le présent. Elle fut un moment attirée vers ce garçon capable d'écrire de telles déclarations. En effet, c'est seulement « après quelque intimité et quelque correspondance qu'elle rejeta sa poursuite et bientôt après épousa un autre amoureux » ' ; et cette suppo- sition est bien confirmée par les mots de Burns : « Pour couronner ma détresse, une belle fille que j'adorais et qui avait juré son àme de venir à ma rencontre dans le champ du mariage, se joua de moi dans les circonstances les plus mortifiantes ^. » Il y avait donc eu une attraction mais qui ne dura pas. Pour quelle cause ? On ne sait ces secrets de cœur. Elle est peut-être dans un passage cité plus haut, où Burns se défend , comme s'il éprouvait le besoin de dissiper certaines préven- tions et d'aller au-devant de certaines rumeurs. Peut être Ellison Begbie n'eut-elle pas confiance dans ces ardentes protestations, et voyait-elle dans le cœur de son poursuivant mieux que lui-même. A coup sûr, elle passa auprès d'une vie qui n'aurait pas été sans orages. Elle fit le choix qui convenait le mieux à sa nature équilibrée, pratique et discernante; « elle a deux yeux brillants et malicieux » dit la chanson de Burns. Il est probable qu'elle vécut heureuse avec un homme moyen. Pourtant, comme il arrive aux imprudents, leurs passions bues, quand ils n'ont plus que le verre vide et craquelé de la vie, de se dire que leurs ivresses ont été une folie, il arrive aussi que les sages rassasiés de calme se demandent si leur prudence n'a pas été une duperie. Il est certain qu'Ellison Begbie se rappela, avec orgueil, que le poète avait composé pour elle quelques-unes de ses jeunes chansons, les plus pures et les plus sincères, car, plus d'un quart de siècle après cette aventure, « il vivait à Glasgow une dame » qui en récita une qu'elle seule savait, à Cromek , lorsque celui-ci recueillait ses Reliques de Burns et c'était la chanson sur des yeux malicieux ^.

IL

LE SÉJOUR A IRVINE.

Ce projet de mariage eut une grande influence sur la vie de Burns. Il avait compris, avec Gilbert, qu'il lui serait difficile de s'établir comme fermier. Pour acheter des instruments et des bestiaux, pour faire les pre- mières semailles et attendre la première récolte, il faut une mise de fonds. Comment l'espérer, quand la famille avait à peine de quoi joindre les

1 ScoU Douglas. Tome I, p. 23, note.

2 Auloliographical Lcller lo Dr Moore.

3 Cromek. Reliques of Robert Burns, p. 442