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l'éternité, qui puisse me donner un plus grand bonheur ; mais je ne songerai jamais à aclieter votre main par des arts indignes d'un liomme et, j'ajouterai, d'un ctirétien. Il y a une chose que je vous demande sérieusement, ma chère, et c'est ceci : que vous mettiez bientôt un terme à mes espérances par un refus péremptoire ou que vous me guérissiez de mes anxiétés par un consentement généreux.

Cela m'obligerait beaucoup si vous vouliez m'envoyer une ligne ou deux quand vous le pourrez. J'ajouterai seulement que si une conduite réglée (quoique peut-être bien imparfaitement) par les règles de l'Honneur et de la Vertu, si un cœur consacré à vous aimer et à vous estimer, si un effort anxieux de vous rendre heureuse, si ces qualités sont celles que vous souhaiteriez dans un ami, dans un époux, j'espère que vous les trouverez toujours dans votre vrai ami et sincère amant ^

La jeune fille ne tarda pas à faire connaître à Burns sa réponse définitive ; c'était un refus. La lettre qu'il lui envoie et qui est la dernière de cette série est, avec un chagrin très sincère et très profond, pleine d'une très belle et très digne franchise :

J'aurais dû , pour être poli , accuser plus tôt réception de votre lettre , mais mon cœur en avait reçu un tel coup que je puis encore à peine rassembler mes pensées, de façon à vous écrire à ce sujet. Je n'essayerai pas de décrire ce que j'ai ressenti en recevant votre lettre. Je l'ai lue et relue, mainte et mainte fois et, bien qu'elle fût dans le langage le plus poli du refus , ce refus était péremptoire : « Vous étiez triste de ne pas pouvoir me payer de retour, mais vous me souhaitez toute espèce de bonheur. > Ce serait une faiblesse indigne dun homme que de dire que, sans vous, je ne pourrai jamais être heureux, mais je suis certain que partager la vie avec vous lui aurait donné une saveur que, sans vous, je ne goûterai jamais.

Ce ne sont pas vos rares avantages personnels et votre bon sens supérieur qui me frappent tant en vous; il est possible que, dans quelques cas, on puisse rencontrer ces qualités chez d'autres. Mais cette bonté aimable, cette tendresse et celte douceur féminines, cette attachante suavité de caractère, avec tous les charmes qui naissent d'un cœur chaud et aimant, voilà ce que je ne puis espérer retrouver de nouveau dans ce monde, à un tel degré. Toutes ces qualités charmantes, rehaussées par une éducation bien au delà de ce que j'ai jamais trouvé chez les femmes que j'ai jamais osé approcher, ont fait sur mon cœur une impression que je ne crois pas que la vie effacera jamais. Mon imagination s'était flattée du souhait, — je n'ose pas dire que ce fut jamais un espoir,— que, peut-être un jour, je vous appellerais mienne. J'avais formé les plus délicieuses images et mes rêves s'y complaisaient ; aujourd'hui, je suis malheureux pour avoir perdu ce que je n'avais vraiment pas le droit d'attendre. Je ne dois plus penser à vous comme à une amante ; j'ose cependant demander à être admis comme un ami. C'est à ce titre que je désire la permission de vous rendre visite, et comme je pense dans peu de jours aller m'établir plus loin et que vous ne tarderez pas, je le suppose, à quitter cet endroit, je désire vous voir ou avoir de vos nouvelles bientôt 2.

Ellison Begbie est la première des héroïnes de Burns dont on voie se dessiner un peu la physionomie. D'après Mrs Begg, la sœur de Burns, c'était une fille supérieure et la favorite du voisinage 3. Elle paraît avoir

1 To Ellison Begbie. Lettre 3.

2 Idem. Lettre 5.

3 Voir l'Appendix B ajouté par Scott Douglas et son édition de la Vie de Burns de Lockhart.