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avec une dignité qui lui valut l'estime et l'affection de tous. Son esprit s'était formé et assis. Son bon sens et un grand sentiment de tact frap- paient ceux qui l'approchaient. Elle avait pris, en vivant près de son poète et en admirant ses œuvres, un goût de choses délicates et brillantes.

Son esprit était un de ces esprits bien pondérés qui s'altaclient instinctivement au convenable et à la mesure, en toutes choses. Ceux qui l'ont connue, au commence- ment comme à la fin de sa vie, n'ont jamais remarqué de changement dans ses façons et ses liabitudes, sauf peut-être plus d'attention à sa mise et plus de raffinements dans ses manières, qu'elle avait acquis insensiblement par de fréquents rapports avec des familles de la plus haute respectabilité. Dans ses goûts, elle était frugale, simple et pure ; elle prenait grand plaisir à la musique, à la peinture et aux fleurs. Pendant le printemps et l'été, il était impossible de passer devant ses fenêtres sans être frappé de la beauté et de la richesse des tleurs qu'elles contenaient ; si elle était capable d'extravagance excessive, c'était pour les racines et les plantes des plus belles espèces. Aimant beaucoup la société de la jeunesse, elle se mêlait volontiers à leurs plaisirs innocents et remplissait joyeusement pour eux « la coupe qui égaie et n'enivre pas ». Bien qu'elle ne fût ni sentimentale ni « bas bleu », c'était une femme intelligente; elle avait une grande pénétration, discernait admirablement les caractères et faisait souvent des remarques pleines de sensi.

Cette Jane Armour n'est pas tout à fait celle que nous avons vue. C'est celle que la vie bien vécue avait fini par faire. Le haut esprit, qu'elle avait compris, en l'aimant, avait, en récompeu'^e, rempli cet amour d'intelli- gence. Elle avait, par la vertu de sa sympathie, mis sa natnre à l'unisson avec la sienne, et elle était devenue apte à recevoir toutes choses justes et fines. Elle prit naturellement les délicatesses. Mais cela était comme le fruit lointain de sa bonté et de son pouvoir d'affection. Elle ne quitta jamais la maison où son mari était mort. Son soin était de la tenir en grande propreté et de l'embellir autant que ses strictes ressources le lui permettaient. Là, pendant plus de trente ans, elle reçut, par milliers et milliers, tous ceux, pauvres et riches, qui venaient visiter la demeure du poète. Parfois, pendant les mois d'été, elle était fatiguée de ce défilé incessant. Elle le supportait avec patience. 11 lui semblait qu'elle remplissait un devoir en tenant sa maison ouverte et en accueillant ceux qu'avait attirés la gloire de Burns *. Elle conserva très longtenq)s son élégance de corps, sa démarche gracieuse, un pas léger, des yeux noirs comme le jais, clairs et brillants, et la voix souple et juste dont Burns était fier. Elle mourut le 26 mars 1834-

Au moment de sa mort, Burns avait six enfants vivants, quatre légi- times de Jane Armour, quatre fils ; et deux illégitimes, deux filles : l'une Elisabeth, l'aînée de tous ses enfants, la fille d'Elisabeth Paton, née en

1 Extrait d'un article du Dunifries Courrier, qui parut au momenl de la mort de M" Burns et qui a été attribué à M' Mac Diarmid. Cité dans Fedition d'AUan Cunnin- gham, p. "46.