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wSand, et vraisemblablement, si nous les connaissions davantage, dans celle de Shakspeare et de Molière, une utilité profonde qui sort de leurs faiblesses? Elles remplissent une autre fonction qui est non moins indis- pensable que celles de Dante, de Milton et de Corneille. De celles-ci naissent un exemple austère et le noble plaidoyer du devoir. Mais des autres naissent peut-être des sentiments plus humains : la connaissance des misères des meilleurs d'entre nous, l'impuissance à leur refuser le pardon, et, par suite, la pratique de la pitié. Que ne perdrait point l'âme du genre humain, non pas en beauté et en délice d'art, mais en nécessaire bonté, si ces hommes ne lui avaient fait sentir, par leur séduction, la compassion pour leurs souffrances ! Et comment l'auraient-ils fait pleine- ment, s'ils n'avaient pas, par les plus cruelles souffrances, c'est-à-dire celles qui résultent des fautes, inspiré la plus noble générosité, c'est-à- dire celle qui triomphe d'un blâme. Ce sont eux qui ont en partie donné un cœur miséricordieux à l'humanité. Par un métamorphisme mystérieux, admirable, leurs fautes, leurs souillures même se transforment en clémence, en un baume qui parfume le monde. Les orages particuliers qui ont ravagé leurs âmes retombent en rosée universelle, et c'est la rosée de la compassion. Personne ne fut plus fait que Burns pour contribuer à ce travail sacré. Aussi , malgré la sévérité qui atteint certains de ses actes, le jugement des hommes sera clément pour lui.

Quant à nous, après avoir vécu avec lui, pendant plusieurs années, après avoir suivi ses tracas, ses traverses, ses tourments et ses travaux, assisté à ses crises, sondé son cœur d'une main impartiale si elle est charitable, réfléchi à ses fautes, et pesé avec leurs conséquences leurs causes et leurs excuses, nous avons conçu pour lui une affection compatissante. Notre espoir, au bout de ce long effort pour faire revivre cette âme comme il nous semble qu'elle a vécu, est d'inspirer à ceux qui liront ce livre un peu de ces sentiments pour ce frère si véritablement humain.

Il est impossible d'abandonner l'histoire de Burns sans s'inquiéter de ce que de^ lurent ceux qui avaient vécu avec lui et les enfants pour les- quels il avait souffert tant d'anxiétés i.

Sa vieille mère continua à résider avec Gilbert dont elle suivit la fortune et mourut en 1820, dans sa quatre-vingt-huitième année.

Gilbert resta sur la ferme de Mossgiel jusqu'en 1798. En 1791, il avait épousé une jeune lille de Kilmarnock dont il eut six fils et cinq filles. En

' Les renseignements sur la famille de Burns se trouvent dans l'appendice au vol. iv de Chambers : Posthumous Hislory of Burns , et dans V Addenda N" / K du tome VI de Scott Douglas. Voir aussi les Geneatogical Memoirs of the Family of Robert Burns, par le D' Charles Rogers.