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Qu'il s'arrête ici, et, à travers une larme naissante, Contemple cette tombe.

Le pauvre habitant ci-dessous

Fut prompt à apprendre, sage pour connaître,

Et profondément ressentit l'ardeur de l'amitié

Et l'autre flamme plus douce;

Mais d'imprudentes folies le ruinèrent \

Et souillèrent son nom.

Lecteur, écoute : — Soit que ton âme

S'élance, du vol de la fantaisie, par delà le pôle.

Ou défriche obscurément ce trou terrestre

Dans de bas soucis ;

Sache que le contrôle sur soi-même, prudent et avisé.

Est la racine de la sagesse i.

On ne peut mieux dire et plus juste. C'est un humble et noble aveu, mais dont l'humilité et le courage contiennent le plus éloquent des plaidoyers. Ces vers devraient être gravés sur sa tombe.

Toutefois ce n'est pas là une justice suffisante. Il lui revient davantage. Tous ses défauts, toutes ses fautes pesés, aussi lourdement pesés qu'on voudra, le plateau oii est l'or pur l'emporte de beaucoup sur celui où est le plomb vil. L'admiration grandit à mesure qu'on examine ses qualités. Quand on songe à sa sincérité, à sa droiture, à sa bonté envers les gens et les bêtes, à son dédain pour toute bassesse, à sa haine pour les fourberies, qui, à elle seule, serait un honneur, à son désintéressement, à tant de i3eaux élans de cœur, de hautes inspirations d'esprit, à l'intensité d'idéalité qu'il lui a fallu pour maintenir son âme au-dessus de sa destinée ; quand on songe que tous ces généreux sentiments, il les a éprouvés au point qu'ils ont été sa vie intellectuelle, qu'ils sont sortis de lui en joyaux, tant il les ressentait avec flamme et tant son âme était une fournaise où bouillonnaient des métaux précieux ; on se dit que ce fut un homme de la plus noble élite humaine et de grande bonté. Quand on se rappelle ce qu'il a souffert, ce qu'il a surmonté et ce qu'il a accompli, contre quelle misère son génie s'est débattu pour naître et pour vivre, la persévérance de ses années d'apprentissage, ses exploits intellectuels, et après tout, sa gloire ; on se dit que ce qu'il n'a pas réussi ou pas entrepris n'est rien à côté de ce qu'il a achevé, et que ce fut un homme de grand effort. Et que reste-t-il à penser sinon que l'argile dont il était fait était pétrie de diamants et que sa vie a été une des plus vaillantes et des plus fières qu'un poète ait vécues?

Enfin qui dira s'il n'y a pas, dans l'existence d'hommes tels que Burns, comme dans celles de Rousseau, de Byron, de Musset, de George

1 A Bard's Epitaph.