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Où régnent l'ombre de la mort et la confusion, Et où la lumière est semblable aux ténèbres i.

Et ces derniers, jours furent d'une infinie tristesse, devant ce vaste estuaire, où cette rivière, qui a été un ruisseau clair et bondissant, se meurt, lonte et trouble, dans les vases et les sables, et disparaît dans l'immense océan, sur le sein duquel les soleils s'éteignent.

Cependant, sans autre soutien que le sentiment de sa dignité, ou a vu qu'en présence de la mort, il fut vraiment, bravement et noblement un homme. Toute cette partie de sa vie, si elle est douloureuse à ce point qu'on ne peut la retracer sans émotion, est belle, en vérité. Ce qui frappe dans les souvenirs de ceux qui l'ont connu en ses derniers temps, c'est l'air de bonté avec lequel il regarde ces gens qui vont continuer à vivre. Il semble qu'une grande douceur fût descendue en lui, et que sa sympa- thie, qui avait toujours eu quelque chose de fougueux et de capricieux, fût devenue plus calme et plus régulière. Kt dans toutes ses lettres d'adieu, quelle noble et simple façon de prendre congé de la vie ! Rien d'exagéré. Il ne dissimule pas la tristesse naturelle à l'homme qui voit arriver sa destruction. Mais la résignation et la fermeté à travers les- quelles elle se fait jour la rendent presque sereine. On voit ici ce qu'il avait de meilleur, le fond d€ haute humanité qui existait en lui. La souffrance l'avait épuié; la maladie, dépouillé de ses passions; le voisi- nage de la mort lui donnait un apaisement précurseur du grand repos ; il était dans une de ces ombres que projettent devant eux les événements qui approchent. Même les aveux de ses fautes passées deviennent pai- sibles, comme s'il avait eu confiance dans la mesure qui se ferait entre ses erreurs, d'un côté, et de l'autre les efforts qu'il avait faits pour les éviter et les regrets qu'il avait ressentis de les avoir commises. La seule partie encore tourmentée dans son esprit était l'anxiété pour sa famille.

Sa vie se serait achevée dans cette tranquillité relative si un der- nier accident n'en avait surexcité la fin. Il reçut d'un homme de loi de Duiufries une lettre réclamant le paiement de sept livres dix shellings qu'il devait à un marchand de draps pour son uniforme de volontaire. Il ne semble pas qu'elle contînt aucune menace de poursuites légales ; on l'a du moins prétendu depuis. Mais, en Ecosse, une lettre de ce genre est généralement considérée comme un commencement d'exé- cution de la part d'un créancier. Burns en fut extraordinairement affecté. La tristesse de son esprit, le sens d'inq)uissance que donne la maladie, la souffrance du dénûment dans lequel il se trouvait, tous les cauchemars de la misère, furent exaspérés par cette malheureuse communication. Son esprit malade se peupla de chimères encore plus

1 Job.