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tlottaient par instants comme des lambeaux de la foi de son enfance. Le passage suivant, de beaucoup le plus explicite et le plus complet qu'il ait écrit sur ce sujet, peut être considéré comme l'exposé théorique de sa conception religieuse.

La Religion, mon lionorée amie, est sûrement une chose simple, puisqu'elle roncerue également les ignorants et les. savants, les pauvres et les riches. Qu'il existe un Être suprême, incompréliensible, auquel je dois mon existence ; que cet Être doive connaître intimement les opérations et le développement des ressorts intérieurs et la conduite extérieure, qui en est la conséquence, de celte Créature qu'il a faite, ce sont là, je pense, des propositions évidentes par elles-mêmes. Qu'il y ait une distinc- tion réelle et éterneUe entre le vice et la vertu, et partant que je sois une créature responsable, (|ue, d'après la nature apparente de l'âme luimaine aussi bien que d'après l'imperfection évidente, que dis-je ? l'injustice certaine de l'administration des choses, kla fois dans le monde moral et matériel, il doive y avoir une scène d'exis- tence rétributive au-delà de la tombe, ce sont là des vérités qui doivent, je pense, être reconnues par tous ceux qui se donnent un instant de rétlexion i.

C'est, à première vue, une profession de foi suffisante pour guider dans la vie et soutenir devant la mort. En effet des hommes ont vécu et sont morts fortement avec ce credo. Mais une simple formule ne suffît pas ; elle ne prend de consistance que par l'effort de démonstration, et d'étendue que par l'effort d'analyse, auxquels nous la soumettons ; elle n'a d'action que par les convictions partielles et les applications quoti- diennes que nous en tirons, par les combinaisons que nous en faisons avec les actes de notre vie. Une croyance ainsi obtenue peut avoir des soubassements défectueux ; comme ils reposent sur la nature même de celui qui l'a édifiée, elle est pour lui irréfutable, et possède l'autorité et l'effet de la vérité. C'est ainsi qu'une vie peut s'a])puYer sur une doctrine incomplète ou fausse et en recevoir son harmonie.

Mais la déclaration religieuse de Burns était loin de remplir ces condi- tions ; elle n'était réellement qu'une formule. Elle manquait de solidité et de cohésion intellectuelles, car elle n'avait été l'objet d'aucun effort, elle n'était étayée sur aucune critique préalable, et soutenue par aucun raison- nement latéral. C'était en somme une idée acceptée par un procédé analogue à celui de la foi, de laquelle il avait élagué ce qui blessait sa raison ou gênait sa passion. Elle manquait d'efficacité morale, et c'était un autre effet de la même cause. N'ayant pas été détaillée, subdivisée, n'ayant subi aucun examen, ni personnel comme celui de certains philosophes, ni collectif et traditionnel comme celui d'une Église, elle restait à l'état nébuleux ; elle n'était pas réglementée, pas codifiée ; il n'en sortait rien de défini, rien d'impératif, pas un précepte positif, applicable. Elle ne fut jamais pour lui une source d'énergie morale, un livre de discipline, elle

1 To i»/« Dunlop. 2lst June 1789.