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de campements quittés, et leur suite ne sert plus qu'à mar(|uer notre chemin vers cet endroit d'où elles semblent vaines. Tout a pâli, tout est décoloré, tout s'en va, tout est ombre et vanité ! Et néanmoins, dans cette disparition, un sentiment longtemps subordonné sort de ce simulacre de notre existence, et prend de la force à mesure qu'elle s'efface, une inquié- tude grandissante et forte, comment cette vanité a été employée. Ce doute finit par absorber la vie elle-même ; il ne subsiste plus d'elle que cette anxiété. Étrange contradiction ! L'usage de ce rien oblitéré nous devient redoutable. Ce qui faisait la vie est dissipé en fumée, en air invisible ; mais le regret des actions mauvaises, le repentir des souffrances infligées, le douloureux étonnement d'avoir torturé d'autres âmes pour si peu, se lèvent. La substance de nos jours a disparu; il n'en existe plus que l'intention ; elle seule semble constituer tout notre ])assé. Son âme était bien faite pour é|)rouver fortement ces impressions. L'inanité de ce monde est le thème de la doctrine presbytérienne dont il avait, malgré tout, été nourri ; et son robuste esprit, capable de s'emparer des choses, l'était aussi de les mesurer. Dans les instants où il ne s'eni- vrait pas d'elle, il avait toujours considéré la vie comme peu. Il y avait longtenq)s qu'il avait comparé l'homme à un petit faisceau de passions, d'appétits et de caprices ^ Le lien qui les retenait ensemble en lui allait se dénouer. Il n'en était pas davantage. D'ailleurs les joies sont si rapides ! Il y avait longtemps aussi qu'il avait dit :

Hélas ! qui peut désirer de nombreuses années ! qu'est-ce sinon traîner l'existence jusqu'à ce que nos joies expirent graduellement et nous laissent dans une nuit de détresse ; comme les ténèbres qui effacent l'une après l'autre les étoiles, de la face de la nuit, et nous abandonnent, sans un rayon de consolation , dans le désert liurlant 2.

S'il avait tout ce qu'il faut pour trouver méprisable l'affairement de nos quelques ans, il avait en juénie temps une sagacité et une sus- ceptibilité morales qui devaient lui rendre cruel l'examen du passé. Il avait toujours eu, probablement par suite de l'éducation paternelle, un vif sentiment de ses fautes. Les cris de repentir éclatent à chacjue instant dans ses lettres et sont déchirants. Sa conscience avait toujours été pour lui une torture.

Il n'y a rien, dans la fabrique de l'Iiomine, qui semble aussi inexplicable que celte chose appelée conscience. Si ce chien, dont les glapissements sont si gênants, avait le pouvoir d'empêcher le mal, il pourrait être utile ; mais, au début de l'acte, ses faibles efforts sont aux bouillonnements de la passion ce que les jeunes gelées d'un matin d'autonme sont à lardeur sans nuage du soleil levant. Et les mouvements tumullueux de la mauvaise action ne sont pas plutôt passés, que, parmi les amères conséquences

i The Author's Journal. 15ih June nss. 2 To l/« Dunlop. Oct. l'792.