— 542 -
avec lesquelles je courtisais jadis la muse rustique de l'Ecosse... Cette lente, longue et usante maladie, qui reste suspendue sur moi, j'en ai peur, mon toujours cher ami, arrêtera mon soleil avant qu'il ait atteint le milieu de sa carrière et fera passer le Poète à des sujets bien autres et plus importants que d'étudier l'éclat brillant de l'esprit et le patiiétique du sentiment. Cependant, l'Espérance est le cordial du cœur humain et j'essaye de l'entretenir du mieux que je puis^. »
11 avait encore à cette époque des momeuts de confiance et, vers la même date il écrivait à Thomson qu'il avait l'espérance que la vivi- fiante influence de l'été qui approchait le remettrait. Mais un peu plus tard, la conscience de sa situation grandit en lui. Le 4 juin, il écrivait à Mrs Riddel, qui lui avait conseillé d'assister à un bal donné en l'honneur du jour de naissance du roi, pour montrer son loyalisme:
(c Je suis dans un si misérable étal de santé que je suis incapable de montrer mon loyalisme, en aucune manière. Torturé, comme je le suis, de rhumatismes, j'aborde tous les visages avec une salutation semblable à celle de Balak à Balaam: « Viens maudire Jacob I Viens délester Israël!- » Ainsi dirais-je : «Viens maudire ce vent d'est, viens détester ce vent du noi'd! » Je vous verrai peut-être samedi, mais je ne serai pas au bal. Pourquoi irais-je? « L'homme ne me plaît plus, ni la femme non plus^. » Pouvez-vous me procurer la chanson : Soyons tous malheureux ensemble ? Si vous le pouvez, faites-le, et obligez le pauvre misérable^.
Le 26 juin, à la fin du mois, il écrivait à son ami Clarke une des lettres les plus navrantes qu'il ait écrites et qu'il soit possilde de lire:
(( Mon cher Clarke, — toujours, toujours la victime de l'affliction 1 Si vous voyiez le corps émacié qui maintenant tient cette plume pour vous écrire, vous ne reconnaî- triez plus votre vieil ami. Si je dois jamais me rétablir, c'est le secret de Lui, le Grand Inconnu dont je suis la créature. Bêlas 1 Clarke, je commence à redouter le pire. Pour moi-même, je suis tranquille, — je me mépriserais si je ne l'étais pas. Mais la pauvre veuve de Burns, mais cette demi-douzaiue de chers petits orphelins abandonnes! Me voici faible comme une larme de femme ! Assez de ceci ! c'est la moitié de mon mal !
J'ai reçu votre dernière lettre contenant le billet de banque. Il arriva bien à point et je vous suis extiômement obligé pour votre pouctualité. Il faut que je vous demande une seconde fois la même obligeance. Soyez assez bon pour m'envoyer un second billet par retour du courrier. J'espère que je puis vous le demander sans que vous en soyez gêné et cela m'obligera sérieusement. S'il faut que je m'en aille, je laisserai der- rière moi quelques amis que je regretterai tant que la conscience me lestera. Je sais que je vivrai dans leur souvenir.
Adieu, cher Clarke ! Que je vous revoie jamais est, je le crains, hautement impro- bable ^.
On voit, d'après cette lettre, que la gêne n'était pas loin, puisqu'il n'y
1 Ta James Johnson. IStli May n96.
2 Nombres. 23-T.
^ Shakspcare. Hnmlel. Act. ii, scène 2.
i To it/*"* Riddel. itli Juiie nSO. Les derniers mois en italique sont en français.
S To James Clarke. June 26tli, 1196.