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courage de les reconnaître. C'est une hypocrisie indigne de ce sincère esprit ^

Quoi qu'il en soit de ce mal, qu'accompagna en effet une fièvre rhu- matismale, ses ravages furent terribles. Pendant les derniers mois de 1795, la correspondance et les travaux de Burns furent interrompus. Il resta confiné à la chambre tout l'hiver et se releva brisé et vieilli. Au commencement de janvier 1796, il commençait à marcher un peu ; il écrit :

Je commençais à peine à me remettre de la perte d'une fille unique, d'une enfant ctiérie, quand je suis devenu moi-même la victime d'une fièvre rhumatismale qui m'a amené sur les frontières de la tombe. Après maintes semaines de lit et de maladie, je commence seulement à me traîner çà et là ^.

Et le 31 janvier, il écrivait à M"""* Dunlop, à peu près dans les mêmes termes :

Longtemps le dé a roulé indécis; enfin, après bien des semaines sur un lit de maladie, il semble avoir « tourné vie », et je commence à me traîner à travers ma chambre. Une fois même, j'ai été devant ma porte dans la rue 3.

Ces heures de confiance n'étaient pas bien solides ; c'était l'espèce de confiance qu'on montre aux autres, pendant quelque temps encore après qu'elle est à peu près morte en soi-même ; par moments, il désespérait de jamais se remettre complètement :

La santé que vous me souhaitez dans votre carte de ce matin , est , je le pense , envolée de moi pour toujours *.

Et quelques jours après il écrivait à M" Riddel :

Je suis si malade que j'ai à peine la force de tenir cette misérable phr-ie sur ce misérable papier.

On a retrouvé de lui, à cette époque, un portrait qui apporte à tous ces détails un saisissant commentaire. Quel changement avec celui d'Edimbourg ; vingt années d'excès et de remords auraient-elles pu pro- duire un tel contraste? Oîi est le visage ouvert, jeune et confiant, qui se détachait sur des verdures, des collines lointaines et un ciel pur? Par une sorte d'intuition, l'artiste à qui l'on doit cette seconde ressemblance, au lieu de ce riant horizon, a choisi un voile de nuages menaçants et rapprochés ; sur ce fond funèbre, une face vieillie, épuisée, dure, amère,

1 Voii sur ce sujet pénible les demi-aveux de Chambers, tom IV, p. 105. qui corro- borent les paroles de Currie et la note de Scott Douglas, tom IV, p. 176.

2 To Robert Cleghorn. Jan. 1796.

3 To Mrx Dunlop. 3lst Jan. n96.

4 To iV» Hiddell. 29"! Jan. n96