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Pitt les mérites de Burns; mais Pitt «passa la bouteille à lord Melville et ne fit rien ^ ». Pendant ce temps le poète se débattait contre sa pauvreté; sa production était gênée par l'inquiétude , faute d'un peu d'argent.

On dira que les opinions de Burns et la façon dont il les exprimait n'étaient pas pour lui concilier les bonnes grâces du Ministère. Cela serait vrai si la mesure envers lui avait eu besoin d'un appoint de faveur. Mais il avait un mérite qui dépassait les autres, indiscutable ; les circon- stances de sa vie l'augmentaient encore. Pour faire de son succès un exemple, il ne manquait que la récompense. Ses erreurs politiques, à les juger telles, disparaissaient à côté des indiscutables leçons plus hautes qu'il répandait. Il était incontestablement de ces hommes envers qui une nation est redevable, et que, par intérêt autant que par amour-propre, elle doit soutenir. Mais les ministères se ressemblent beaucoup, en tous temps, en tous lieux, parce que les hommes sont partout et toujours les mêmes. « Si Burns avait publié dans un journal quelques libelles sur Lepaux ou Carnot, ou un pamphlet vif « Sur l'État du Pays », on se serait peut-être plus occupé de lui pendant sa vie ^ ». Les hommes d'État qui n'ont pas su l'aider ont privé leur race d'œuvres plus glorieuses et plus durables qu'une bataille gagnée ou une île conquise. Ils ont failli à leurs devoirs de bons ménagers des ressources de leur patrie. C'est avec raison que, lorsque le droit de propriété des œuvres de Burns vint en discussion à la Chambre des Lords, en 1812, Earl Grey insista sur la faute d'avoir négligé un pareil génie et reprocha à lord Melville sa part dans le dénùment du poète 3.

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LES DERNIERS CHAGRINS, LES DERNIERS EXCÈS, LES DERNIÈRES LUEURS.

LA FIN.

Le dénouement n'est pas loin maintenant. Nous touchons à la fin de ce jour tourmenté, clos aux premières heures de l'après-midi, sans avoir connu les sérénités du soir qui apportent l'apaisement, ni l'élargis- sement étoile de la nuit, qui ouvre des espaces à l'espoir. Burns finit en pleine amertume, au plus fort de ses regrets, de ses remords, et de ses angoisses pour sa famille. Si, du moins, il avait résisté un peu plus longtemps, la vie, qui souvent est charitable et se charge des petits enfants, lui aurait peut-être montré les siens, élevés et capables de porter leur nom. Elle s'en chargea bien quand ils furent orphelins. Cela

1 AUan Cunniugham. Life of Burns, p. 133.

- Lockhart. Life of Burns, p. 238.

3 Allen Cunningham. Life of Burns, p. liO, en note.