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était une pure ])oauté physique, une heureuse réussite des traits. La femme elle-même était une àme ordinaire, bonne, non sans un peu de fadeur, se laissant vivre avec nonchalance dans sa beauté. Elle était moins dirigée par ses propres mouvements que par une absence de résistance, une sorte d'indifférence et de laisser-aller. Par faiblesse plutôt que par amour, elle avait suivi Wbelpdale ; (juand il l'eut abandonnée, elle n'eut pas la force de le haïr. Elle ne paraît pas prendre grande part aux sentiments qu'elle inspire, se laissant aimer plutôt qu'aimant, enveloppée d'un attrait inconscient, qui est le fait de son corps plutôt que d'un désir ou d'un effort de son esprit, « Sa légèreté était au moins égale à sa beauté ' », dit Allan Cunningham, et c'est une note presque fausse. Le même Cunningham dit bien plus exactement : « Chloris était une de celles qui croient au pouvoir qu'a la beauté de se donner et que l'amour ne doit subir aucune contrainte. Burns pensait quelquefois de la même façon, et il n'est pas étonnant que le poète ait célébré les charmes d'une beauté généreuse qui était disposée à récompenser ses chants et qui lui donnait mainte occasion de s'inspirer de sa présence 2 ». Ceci est plus pénétrant. C'était une nature de grande courtisane , calme et d'accueil indifférent , parce qu'elle est certaine de son triomphe. Cependant Cunningham , qui parle d'elle d'après ce qu'elle devint plus tard , est trop sévère pour elle , à cette époque-ci de sa vie. Il oublie qu'elle avait dix-neuf ans et que Burns en avait trente-six.

La liaison entre Jane Lorimer et le poète est difficile et délicate à définir. 11 est cependant de quelque conséquence qu'elle le soit, car elle com- plète les situations dans lesquelles Burns s'est placé vis-à-vis de la Femme. Ce qui accroît l'intérêt de cette question, c'est qu'il n'était plus alors dans l'ignorance de la vie comme à Mauchline ; ou en face d'une femme, son égale par l'âge et les vicissitudes traversées, comme à Edim- bourg; mais qu'il possédait l'expérience et la responsabilité des années mûres, et qu'il avait devant lui presque une enfant, ignorante de l'existence et plus étourdie qu'instruite par ses malheurs.

FI est clair qu'il y a eu d'un côté de la vanité flattée par les hommages d'un homme célèbre. « La dame n'est pas peufière de figurer d'une façon si distinguée dans votre recueil , et je ne suis pas peu fier de pouvoir lui faire ce plaisir ^ ». De l'autre, se trouvait avec l'habitude d'aimer, l'admi- ration de cet épanouissement de splendide jeunesse. Mais ce sont là les éléments plutôt que les limites de ces rapports. Si l'on s'en rapportait à sa profession de foi à Thomson , que l'homme capable de jouer avec une

^ Allan Cunningham. Life of Burns, p. 9T.

2 Cité par Lockhart. Life of Burns, p. 261.

3 To G. Thomson, Nov. n94.