Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/532

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 521 -

A quoi Thomson, entrant complaisaniment dans les vues de Burns, lui répondait avec tranquillité et non sans esprit :

« Je n'ignore pas, mon clier ami, qu'un vrai poète ne peut pas davantage vivre sans maîtresse que sans viande. Je voudrais couuaître l'adorable Elle, dont les yeux brillants et les sourires charmeurs ont si ^ ivement transporté le barde écossais, afin de pouvoir boire sa douce santé, cpiand le toast fait son tour. Puisque c'est elle qui est le sujet de la chanson, Le bois de Craigiebum sera adopté dans ma famille. Mais, au nom do la décence, il faut que je vous demande un autre refrain. " Oh! èlre couché près de toi, chérie ! » est peut-être une chose souhaitable, mais ne peut pas aller pour être chanté dans la société des dames'. »

Cette bonhomie de Thomson lui valait de nouveaux détails sur le même sujet:

« Je vous aime de prendre intérêt, avec tant de franchise et de bienveillance, à l'histoire de ma chère amie^. Je vous assure que je n'ai jamais été plus sérieux de ma vie que dans le récit de cette affaire que je vous envoyai dans ma dernière letlie. L'amour conjugal est une passion que je ressens profondément et que je vénère hau- tement; mais, je ne sais comment, il ne fait pas aussi bonne figiu'e en poésie que cette autre espèce d'amour,

où l'amour est liberté, et la nature, la loi.

Pour parler en musicien, le premier e.st un instrument dont la gamme est pauvre et bornée, mais dont les tons sont ineffablement doux, tandis que le second a une étendue égale <à la modulation intellectuelle tout entière de l'àme humaine. Néanmoins, je reste poète au milieu même de l'enthousiasme de ma |)assion. La tranquillité et le bonheur de la personne aimée est \e premier et inviolable sentiment qui pénètre mon âme : quels que soient les plaisirs que je puisse désirer et quels que soient les tiansporls qu'ils puissent me donner, s'ils doivent s'opposer et se heurter à ce principe qui passe avant tout, je trouve que c'est avoir ces plaisirs à un prix déshonnête ; la Justice défend ce marché, de même que la Générosité le dédaigne. En ce qui concerne la foule du sexe qui n'est pas bonne à grand'chose d'autre ou qui n'est bonne qu'à cela, je n'ai pas pris d'engagement de ce genre vis-à-vis de moi-même. Mais là où la Passion est la vraie Divinité de l'amour, et lorsque les personnes sont capables de la ressentir, l'homme qui peut agir autrement est un gredin ■^. »

On se demande ce qu'on doit penser de celle qui inspirait ce nouvel amour. C'était une fille remarquablement belle. Tous ceux qui l'ont vue ou entendu parler d'elle sont d'accord sur ce point. Elle avait des cheveux blonds, desy;Hix bleus, et surtout un corps d'une yràce achevée. « Sa forme était la symétrie même », dit le grave Chambers *. « Elle était proportionnée comme une des plus parfaites productions d'un statuaire antique », dit Allan Cunningham, qui avait fait de la sculpture. Il ajoute, non sans quelque plaisir à s'arrêter sur ce sujet : a Ses cheveux, qu'elle

1 George Thomson, lo Rob. Burns. 2'7lii Oct. 1794.

2 En français.

3 To George Thomson. Nov. 1794

  • R. Chambers, tom IV, p 9*7.