Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 41 -

Kirkoswald un premier essai. C'est à Lochlea qu'aimer devint l'habitude et l'état normal de son âme. Quand il y arriva, il était gauche et timide ; il confesse « qu'au commencement de cette période , il était peut-être le garçon le plus lourd et le plus empêtré de toute la paroisse ^. » Mais cela ne devait pas durer et il ne devait pas tarder à prendre sa place, soit comme héros , soit comme confident , dans la plupart des intrigues amoureuses du village et des environs. Il y apporta bientôt la désin- volture et la sûreté d'un maître. Il avait ce don de familiarité rieuse et railleuse qui est la clef qui ouvre le plus de cœurs féminins. « Après le début de mes relations avec lui, raconte David Sillar, nous nous rencontrions souvent à l'église, et au lieu d'aller avec nos amis ou les filles à l'auberge, nous faisions une promenade dans les champs. Dans ces promenades j'ai été souvent frappé de sa facilité à s'adresser au beau sexe et mainte fois, quand j'étais tout confus et ne savais comment m'exprimer, il était entré en conversation avec elles avec la plus grande aisance et la plus grande liberté ; c'était généralement la mort de notre conversation, si agréable fùt-elle, que de rencontrer une connaissance féminine -. » Burns d'ailleurs a raconté lui-même comment il se tirait d'affaires dans ces rencontres :

Bien au delà de toutes les autres impulsions de mon cœur était un pemhanl pour Vadorable moilié du genre humaine Mon cœur était du pur amadou et était continuel- lement enflammé , par une déesse ou une autre. Comme il arrive dans toptes les campagnes de ce monde, ma fortune était diverse. Tantôt j'étais reçu avec faveur, tantôt mortifié par un échec. A la charrue, à la faux et à la faucille, je ne craignais pas de rival, je défiais aussi le besoin et comme je ne me suis jamais préoccupé de mon labeur que pendant que jy étais employé, je passais mes soirées d'après mon cœur. Un jeune campagnard conduit rarement une aventure d'amour sans un confident qui l'assiste. Je possédais un zèle, une curiosité et une dextérité intré|)ide qui me recommandaient comme un second convenable dans ces occasions, et, j'ose le dire, j'avais autant de plaisir à être dans le secret de la moitié des amours de la paroisse de Tarbolton que jamais homme d'Etat e» a ressenti à connaître les intrigues de la moitié des cours d'Europe, la plume que je tiens à la main semble connaître instinctivement ce sentier familier de mon imagination, et j'ai de la peine à l'empêcher de vous donner une couple de paragraphes sur les histoires d'amour de mes compagnons, humbles habitants de la ferme ou de la chaumière. Mais les graves fils de la science, de l'ambition ou de l'avarice baptisent ces choses du nom de folies. Pour les fils du travail et de la pauvreté, ce sont des matières de la plus sérieuse nature : pour eux, l'espoir ardent, fentrevue dérobée, le tendre adieu sont les plus grandes et les plus délicieuses parties de leur bonheur*. »

Les occasions ne lui manquèrent pas. Quand on regarde d'un peu près la vie rurale de sou temps, on est surpris de la quantité d'intrigues qui

1 Aulobiographical Lclter lo />'" Moore.

2 D. Sillar's. Account, etc. Walker, tome II. Appendix.

3 En français dans le texte.

  • Aulobiographical Letter lo D^ Moore.