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qui valait à peine mieux qu'un chien enragé, il n'est pas surprenant que les nobles tories de Dumfries et du Comté aient tenu à l'écart le plus éloquent et le plus sarcastique de leurs ennemis. Mais cela n'expliquerait pas qu'il se soit trouvé peu à peu abandonné de toutes parts. Une mau- vaise réputation s'était lormée autour de lui. La haine politique n'y était pas étrangère, sans doute, mais sa vie non plus. On le représentait comme un homme perdu, dangereux pour les jeunes gens, sans croyance et sans moralité. Un gentleman racontait à AUan Cunniugham que, lors- qu'il était arrivé à Dumfries, plusieurs des habitants principaux du Comté l'avaient averti d'éviter la société de Burns^ Un vieillard de quatre-vingts ans racontait au principal Shairp que son père lui avait défendu, ainsi qu'à ses frères, d'avoir rien à faire avec « Robbie Burns » dont le perçant oeil noir était resté dans sa mémoire^. Cette réputation s'était si bien attachée à son nom et racconq)agnait si fidèlement partout, qu'elle pénétrait avec lui de l'autre côté du pays. Quand il mourut, les plus respectables des journaux d'Edimbourg s'en firent les interprètes. « Le public, à l'amusement de qui il a si largement contribué, apprendra avec regret que ses facultés extraordinaires étaient accompagnées de faiblesses qui les ont rendues inutiles pour lui et pour sa famille ^. » Une sorte de discrédit l'entourait.

Chose plus étrange et plus grave, ses anciennes amitiés se retiraient de lui. Son ami d'autrefois, Aiuslie, son fidèle compagnon d'Edimbourg, le confident de ses amours avec Clarinda, le traitait avec une telle froideur que leurs relations en restèrent là. Ce n'était pas sans une douleur con- tenue qu'il écrivait :

Mon vieil ami Ainslie a été bon pour vous. J'ai eu une lettre de lui, il y a ([iielque temps ; mais elle était si sèche, si réservée, si semblable à une carte à un de ses clients, que j'ai à peine le courage de la lire et que je ne lui ai pas encore répondu. C'est un bon et houuéte garçou et il sait écrire une lettre amicale, capable de faire égalemeut honneur à sa tête et à son cœur, comme le témoigne tout un paquet de lettres que j'ai chez moi. Bien que la Reuonnnée ne souffle plus dans sa tromjiette à mon approche, maintenant, comme elle le faisait alors, (juaud il m'honora d'abord de son amitié, cependant je suis aussi fier que jamais et, quand on me couchera dans ma tombe, je désire être étendu de toute ma longueur, afin que j'occupe chaque pouce de sol auquel j'ai droit *. »

Quant à sa vieille amie Mrs Dunlop, elle avait cessé toute correspon- dance. Ce dut être pour lui une des pires amertumes. Une de ses der- nières et plus touchantes lettres sera pour lui dire adieu, malgré le long silence dont elle l'avait afiligé.

1 Allan Gunuingham, Liff of Burns, p. 45.

2 Shairp, Burns, p. 139.

3 Voir l'extrait donne par R. Chainbers, tome IV, p. 301.

  • To jW-î Mac Lehose, 25"i June 1794.

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