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faire une heureuse plaisanterie, donnèrent une représentation de l'enlè- vement des Sabines. Burns saisit Mrs Riddell et l'embrassa. Il ne semble pas qu'il fut plus coupable que les autres ; peut-être, emporté par son tempérament, alla-t-il plus loin encore. On devine l'effet produit par ce scandale. Le lendemain, le pauvre Burns écrivait encore une lettre d'excuses désespérée.

« Madame, jose dire que cette lettre est la première que vous aviez jamais reçue du monde souterrain. Je vous écris des régions de l'enfer, parmi les horreurs des damnés. Quand et comment j'ai quitté votre terre, je ne le sais pas exactement, car je suis pai'ti dans la chaleur d'une fièvre d'ivresse, contractée à votre trop hospitalière maison. Mais, en arrivant ici, j'ai été justement jugé et condamné à souffrir les tortures expiatoires de ce séjour infernal pendant l'espace de 99 ans U mois et 29 jours ; tout cela à cause de l'inconvenance de ma conduite, hier soir, sous votre toit. Me voici étendu sur un lit d'impitoyables genêts, ma tête endolorie appuyée sui' un oreiller de perçantes épines, tandis qu'un bourreau infeinal, ridé et vieux et cruel, je crois que c'est le Souvenir, avec un fouet de scorpions, empêche la paix et le repos d'approcher de moi et tient mon angoisse sans cesse éveillée. Cependant, Madame, si je pouvais, en quelque mesure, reprendre ma place dans la bonne opinion du cercle aimable que ma conduite a tellement outragé, la nuit dernière, je crois que ce serait un sou- lagement à mes peines. C'est poui" cette raison que je vous importune de celte lettre. Aux hommes de la société, je n'ai pas d'excuses à faire. Votre mari, qui a insisté pour me faire boire plus que je ne le voulais, n'a pas le droit de me blâmer, et les autres ont pris part à ma culpabilité. Mais à vous. Madame, j'ai beaucoup d'excuses à faire. J'estimais votre bonne opinion comme une des choses les plus précieuses que j'eusse sur la terre, et je fus vraiment une brute de la perdre. Il y avait aussi Miss J., une personne d'un délicat esprit, de douces et simples manières. Je vous en prie, faites- lui les meilleures excuses d'un maudit, malheureux, misérable. Une Mrs G., une dame charmante, m'a fait l'honneur d'être disposée en ma faveur: ceci me fait espérer que je ne l'ai pas outragée au-delà de tout pardon. A toutes les autres dames, présentez ma plus humble contrition et ma demande de leur gracieux pardon. vous. Puissances de la Décence et de la Convenance, dites-leur que mes erreurs, bien que graves, étaient involontaires ; qu'un homme ivre est la plus vile des bêtes; que ce n'était pas dans ma nature d'être brutal envers qui que ce soit ; qu'être grossier enveis une femme, quand j'étais dans mes sens, m'était impossible, mais....

Regret, Remords, Honte, vous trois chiens d'enfer qui suivez mes pas el aboyez ii mes talons, épargnez-moi ! épargnez-moi !

Pardonnez les offenses et plaignez le malheur, Madame, de votre humble esclave ^.

Mrs Riddell ne se laissa pas fléchir. Sous le coup du dépit, l'orgueil du poète le conseilla mal. Il écrivit contre cette jeune femme des satires, des épigrammes, indignes de lui et offensantes pour elle, qu'il laissa circuler 2. Les amis de la famille Riddell prirent justement parti contre lui. On a parfois regretté qu'il ait écrit des vers trop libres et grossiers. Si un véritable ami de Burns en avait le choix, ce ne sont pas ces vers-là qu'il

^ To iU« Riddell . Jan. 1194.

2 Voir Monody on a Lady famed for fier caprice ; Pinned lo jt/w Waller Riddell's carriage; Epitaph for M^ Walter Riddell; Epistle front Esopus lo Maria.