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désir, elle ne prospérera pas. » Si mon ressentiment est éveillé, il est certain que c'est d'un côté où il n'ose pas piailler; et si... Priez que la Sagesse et le Bonheur soient de plus fréquents visiteurs de R. B i. »

Ces aveux sont rares. Il supporta jusqu'au bout , en se taisant , cette existence si peu faite pour lui, dans laquelle il voyait le soutien de sa famille.

Ce fut dans ces moments de trouble et d'irritation, vers la fin de l'année 1792, que passa dans son souvenir, pour la dernière fois, la chaste figure de Mary des Hautes-Terres. La même saison, la saison d'automne, l'évoqua encore. Elle semble revenir à intervalles égaux, trois ans après sa dernière apparition à Ellisland. Elle se tient sur le seuil des derniers jours, qui descendent, en s'assombrissant, vers un fond de vie oii elle ne peut le suivre. Elle vient lui donner un adieu. On dirait que les nuages s'ouvrent un moment derrière elle, et laissent arriver jusqu'à lui, par cette échappée, le parfum des aubépines de l'Ayr, un rayon de ces dimanches de mai comme les années ne lui en apportent plus , des clartés d'autrefois. Il la salua d'adorables et tendres paroles dans lesquelles revit toute sa douleur. La douce Mary Campbell resta jusqu'au bout la maîtresse de ce cœur tourmenté. « Le sujet de cette chanson, écrivait-il à Thompson en la lui envoyant, est un des plus intéressants passages de mes jeunes jours; j'avoue que je serais heureux de voir les vers adaptés à un air qui leur assurerait la célébrité. Peut-être, après tout, est-ce la passion encore ardente de mon cœur qui jette un lustre emprunté sur les mérites de cette composition 2. » Il se trompait. La pièce qu'il envoyait était, comme toutes celles que lui inspira Mary Campbell, parmi ses plus parfaites.

berges, rives et ruisseaux autour

Du château de Montgomery, Verts soient vos bois, belles vos fleurs,

Et vos ondes jamais troublées. Que là, l'Été déplie d'abord ses robes,

Que là, il reste plus longtemps. Car là, je pris mon dernier adieu

De ma douce Mary des Hautes-Terres.

Comme doucement fleurissait le bouleau vert et gai, Comme la floraison d'aubépine était riche, Quand sous leur ombrage parfumé

Je la serrais sur ma poitrine I Les heures d'or, sur des ailes d'anges.

Volaient par-dessus moi et ma chérie, Car chère, autant que la lumière et la vie,

M'était ma douce Mary des Hautes-Terres.

1 To Mrs Riddell. Nov. 1793.

2 To George Thomson. Htii Nov. n92.